Psychologie

Longtemps perçu comme un simple épuisement professionnel, le burn-out est aujourd’hui identifié comme une forme de rupture intérieure. Mais au-delà du diagnostic, une question subsiste : s’agit-il d’une pathologie au sens strict, ou d’un signal d’alerte que le corps envoie pour signifier un trop-plein insoutenable ? Dans bien des cas, l’effondrement ne survient pas après un événement unique, mais après une longue période de suradaptation, de déni des besoins fondamentaux, de mise à distance des signaux d’alerte psychiques. Ce n’est pas l’événement qui brûle, mais l’accumulation silencieuse de renoncements.

Une perte de contact avec soi

Le burn-out apparaît souvent chez des personnes investies, consciencieuses, engagées, qui ont peu de contact avec leurs limites. Leur fonctionnement est centré sur la performance, la responsabilité, le souci de l’autre, au point de s’oublier complètement. C’est ce clivage — entre ce que le sujet impose à son corps et ce que celui-ci peut réellement soutenir — qui mène à l’effondrement. Le corps, dans ces cas, cesse de suivre. Il lâche. Non pas comme un organe défaillant, mais comme un cri. Ce n’est pas tant la tâche accomplie qui épuise, mais l’impossibilité de faire autrement que de continuer.

Exemple : Sophie, 42 ans, et l’interruption imposée

Sophie, cadre dans une structure associative, s’effondre un matin, sans alerte particulière. Vertiges, pleurs incontrôlables, sensation d’irréalité. Jusque-là, elle avait tenu bon, porté son équipe, absorbé les tensions, accepté les surcharges. En thérapie, elle évoque une enfance où il ne fallait jamais se plaindre, toujours aider, toujours “aller bien pour les autres”. Son burn-out n’est pas qu’un épuisement professionnel : c’est un corps qui dit stop à une histoire répétitive. L’arrêt brutal signe une tentative de rupture avec un fonctionnement qui l’éloignait de toute écoute de soi.

Le piège du diagnostic

Nommer ce vécu « burn-out » permet une reconnaissance sociale, une légitimation de la souffrance. Mais cela peut aussi masquer la complexité psychique de ce qui se joue. Derrière l’épuisement, il y a souvent une difficulté ancienne à poser des limites, à dire non, à s’autoriser la pause. Réduire le burn-out à une “usure” liée aux conditions de travail occulte cette part plus intime : un rapport au devoir, à la loyauté, à la peur d’abandonner l’autre ou d’être abandonné si l’on cesse de répondre. Le corps devient alors l’unique lieu possible d’expression de ce conflit.

Écouter ce que le corps interrompt

Le travail thérapeutique, dans ces situations, ne vise pas d’abord à “remettre sur pied”, mais à entendre ce que cet arrêt dit de l’histoire du sujet. Chez Sophie, il a fallu redonner de la valeur au fait de ne rien faire, de ne pas servir, d’exister pour soi. Ce n’est pas une pathologie qu’il fallait soigner, mais une manière de se traiter qu’il fallait interroger. Le corps, en s’effondrant, a mis fin à un cycle d’oubli de soi. Le burn-out devient alors non une défaillance, mais un seuil, un moment où le sujet peut, enfin, se réinventer.

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