Psychologie

Il est sans doute le personnage politique le plus unanimement sacralisé de l’histoire française contemporaine. Général, résistant, fondateur d’une République, père de la nation : Charles de Gaulle semble figé dans une posture héroïque, au-dessus du tumulte partisan et des fautes humaines. Mais cette image quasi intangible est-elle encore compatible avec un regard lucide sur l’histoire et sur le pouvoir ? Démythifier De Gaulle, ce n’est pas nécessairement salir sa mémoire. C’est peut-être, au contraire, rendre sa figure plus vivante, plus politique, donc plus humaine.

Le mythe gaullien comme refuge collectif

Dans un pays traversé par les doutes, les divisions et les désillusions démocratiques, De Gaulle sert de point d’ancrage symbolique. Il incarne la grandeur, la souveraineté, le verbe clair, la verticalité rassurante. À ce titre, il est souvent convoqué comme une autorité morale incontestable, quel que soit le bord politique. Ce consensus apparent trahit un besoin profond : celui de croire qu’un chef peut être à la fois stratège, visionnaire, incorruptible. Le mythe fonctionne alors comme un écran : on n’interroge plus l’homme, on le vénère.

Un récit héroïque largement reconstruit

Le problème n’est pas que De Gaulle ait été un grand homme : c’est que le récit dominant gomme les tensions, les ambiguïtés, les impasses de son parcours. Sa gestion de la guerre d’Algérie, son rapport difficile au pluralisme, sa vision autoritaire du pouvoir exécutif sont rarement mis au centre du débat. Démythifier, ici, c’est restituer la complexité d’un homme pris dans l’histoire, avec ses choix discutables, ses limites, ses contradictions. Ce travail critique n’affaiblit pas sa mémoire : il la rend plus exigeante.

Le risque d’un modèle intouchable

En maintenant De Gaulle dans un statut de figure quasi sacrée, on empêche toute réinvention du politique. Le modèle du chef vertical, solitaire, habité par la mission, continue d’imprégner l’imaginaire français, parfois au détriment de formes plus horizontales et collectives de gouvernance. L’attente d’un « nouveau De Gaulle » revient régulièrement comme un fantasme de salut, qui évite de penser les institutions, les médiations, le travail démocratique. Démythifier, c’est donc aussi rouvrir l’espace du possible politique, au-delà de l’incantation.

Penser l’héritage plutôt que le monument

Il ne s’agit pas d’effacer De Gaulle, mais de sortir du musée pour réinterroger ce qu’il nous a légué. Quelle conception de la République défendait-il ? Comment articulait-il l’autorité avec la légitimité populaire ? Que voulait-il dire lorsqu’il parlait de grandeur ? À ces questions, il faut répondre avec rigueur historique, mais aussi avec une conscience de notre époque. L’héritage de De Gaulle n’a de sens que s’il peut être discuté, contesté, réapproprié. Démythifier, ici, c’est redonner au passé sa force politique.

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