Les psychologues sont-ils des manipulateurs ?

La figure du psychologue suscite parfois une méfiance : il « lit dans les pensées », il « sait ce que l’on ne dit pas », il pourrait « nous manipuler sans qu’on s’en rende compte ». Cette crainte, diffuse mais tenace, révèle une confusion entre influence, pouvoir symbolique et manipulation réelle. Le travail psychologique repose justement sur un cadre éthique clair, dont la fonction est de contenir et de sécuriser la relation. Accuser les psychologues de manipulation, c’est souvent projeter une peur inconsciente de perdre la maîtrise de soi dans une relation asymétrique.
Une position particulière, mais encadrée
Le psychologue n’est pas un ami, ni un proche : il occupe une position extérieure, neutre, mais active. Cette asymétrie, indispensable au travail psychique, peut être perçue comme un pouvoir, alors qu’elle est précisément là pour que le patient puisse se dire sans craindre un retour personnel. Le psy n’intervient pas pour influencer, mais pour permettre une mise en mots de l’expérience intérieure. Sa parole est mesurée, son silence construit : il n’agit jamais pour convaincre ou orienter, mais pour soutenir l’émergence du sujet.
Exemple : quand la peur de la manipulation masque une crainte plus ancienne
Jérôme, 44 ans, commence une thérapie mais se montre immédiatement sur ses gardes : « Je veux bien parler, mais je ne veux pas être manipulé. » Très vite, il devient évident que ce qu’il redoute n’est pas tant la parole du psy que de se retrouver à nu, sans défense, comme lorsqu’il se sentait dominé dans son enfance. Le psy, dans son silence, ravive malgré lui une figure de toute-puissance. Mais en le nommant, en expliquant les règles du cadre, il rassure Jérôme. Ce dernier découvre que ce qui semblait manipulation était en fait projection d’une ancienne crainte relationnelle.
La manipulation suppose une intention cachée
Manipuler, c’est vouloir faire faire quelque chose à l’autre sans qu’il s’en rende compte, au service de ses propres intérêts. Or un psy travaille précisément à l’inverse : il rend visibles les processus, nomme les transferts, soutient la liberté du patient. S’il influence, c’est indirectement, par le cadre, la présence, la régularité — jamais par contrainte, par séduction ou par pression. Tout est là pour que le patient reste sujet de son propre cheminement, y compris dans ses résistances et ses désaccords.
Une confiance construite, non imposée
Le lien thérapeutique repose sur une confiance, mais elle ne peut être exigée, encore moins provoquée par des moyens détournés. Elle se construit dans la répétition, dans la constance, dans le respect du rythme du patient. Le psychologue n’a rien à gagner à convaincre, et tout à perdre s’il cherche à orienter. Jérôme, en continuant son travail, découvre qu’il peut garder son esprit critique tout en s’ouvrant à une écoute nouvelle. Ce n’est pas une soumission, mais une co-construction. Et c’est cela, le cœur du processus thérapeutique.