Psychologie

On les dit désengagés, apathiques ou obsédés par leurs écrans. Pourtant, une observation plus fine révèle un phénomène inversé : les jeunes générations ne se détournent pas du politique, elles en redéfinissent les contours. Elles refusent les codes anciens, se méfient des grands récits idéologiques, mais investissent d’autres espaces — culturels, numériques, intimes — où s’inventent de nouvelles manières de penser et d’agir. Ce n’est pas l’engagement qui a disparu, c’est sa grammaire qui a changé.

Un regard lucide sur les limites du système

Les jeunes n’idéalisent pas la démocratie représentative. Ils la perçoivent comme imparfaite, lente, souvent hypocrite. Mais cette lucidité ne les pousse pas au cynisme, elle les rend plus sélectifs, plus exigeants. Ils ne s’illusionnent pas sur les effets d’un vote tous les cinq ans, mais cherchent des terrains d’action immédiate. La défiance à l’égard des partis coexiste avec une attention aiguë aux enjeux de société : environnement, genre, santé mentale, justice raciale. Ce sont des thèmes investis non par dogme, mais parce qu’ils traversent leur quotidien. Le politique devient concret, incarné, situé. On n’adhère pas à une idéologie : on s’aligne sur des valeurs, des expériences, des solidarités.

L’humour comme langage de résistance

Face à la violence symbolique ou institutionnelle, la réponse n’est pas toujours la colère frontale. L’humour, l’ironie ou le second degré deviennent des armes de contestation douce, mais redoutablement efficaces. Des créateurs sur TikTok, YouTube ou Twitch, comme Tiphaine P., Usul ou Antoine Daniel, mêlent analyse, dérision et pédagogie pour déconstruire les discours dominants. Ce n’est plus un engagement vertical, mais un échange horizontal. On commente, on partage, on apprend en riant. Cette forme d’expression politique désamorce la peur ou le rejet, et permet à des publics éloignés des sphères militantes de s’en rapprocher. Elle ne nie pas la gravité, mais choisit d’y répondre autrement.

Une radicalité tranquille, sans drapeau ni manifeste

Ce qui frappe dans l’engagement de nombreux jeunes, c’est l’absence de revendication spectaculaire. La radicalité ne se dit pas, elle se vit dans les pratiques, les choix de consommation, les attitudes. Déserter une filière destructrice, refuser une publicité, boycotter une marque, corriger un proche, prendre soin : autant de gestes qui déplacent les lignes sans faire de bruit. Ce n’est pas moins politique, c’est plus diffus. Dans une époque saturée de slogans, cette radicalité douce ouvre un espace d’action plus personnel, mais potentiellement transformateur. Elle est moins visible, mais elle creuse des sillons durables.

Une politisation par contamination

Les jeunes générations ne s’inscrivent pas dans les formes anciennes de militantisme, mais elles ne se désintéressent pas du monde. Elles politisent l’ordinaire, colonisent l’humour, s’emparent des plateformes pour y infuser des questions de fond. Cette politisation n’est pas une adhésion, c’est une contamination. Elle ne prend pas toujours la forme d’un programme, mais d’une sensibilité partagée. Et dans un monde éclaté, saturé d’informations, cette capacité à créer du lien autour d’idées simples, mais profondes, est peut-être la forme la plus précieuse de résistance.

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