Psychologie

Présentée comme un symptôme ou comme une menace, la montée du populisme nourrit aujourd’hui autant de craintes que d’analyses. Ce phénomène politique, d’abord marginal, s’est installé durablement dans de nombreuses démocraties. Il prospère sur la défiance, les fractures sociales, la peur de déclassement ou la fatigue démocratique. Mais faut-il pour autant le considérer comme inévitable ? C’est peut-être notre lecture du populisme qui mériterait d’être déplacée, pour comprendre ce qu’il dit — et ce qu’il dissimule

Une réponse simpliste à une complexité devenue insupportable

Le populisme fonctionne comme une promesse de clarté dans un monde devenu illisible. Il oppose le peuple aux élites, les oubliés aux décideurs, les gens « vrais » aux institutions jugées technocratiques. Ce discours binaire rassure parce qu’il réduit les tensions à des conflits identifiables. Il séduit parce qu’il affirme, sans nuance, et incarne un retour au bon sens supposé perdu. En France comme ailleurs, cette mécanique s’est installée dans l’espace médiatique : qu’il s’agisse de sécurité, d’identité ou de souveraineté, le populisme impose ses cadres de pensée. On le retrouve dans les succès électoraux de figures comme Donald Trump, Javier Milei ou Marine Le Pen. Mais si sa progression est indéniable, elle est aussi le reflet d’une angoisse collective plus que d’un véritable projet politique.

Le populisme, révélateur d’un vide plus que d’un plein

Le populisme n’avance pas sur la base d’un programme structuré, mais sur celle d’une colère structurante. Il comble un vide de représentation, il occupe les interstices laissés vacants par des partis traditionnels fatigués. Ce n’est pas une adhésion idéologique forte, mais souvent un vote de rupture, un cri plus qu’un choix. Cela le rend à la fois redoutable et fragile : redoutable, car il mobilise des affects puissants ; fragile, car il repose sur une posture plus que sur une vision cohérente. La percée de listes radicales dans les urnes ou l’ascension de figures issues des marges ne traduisent pas nécessairement une approbation massive de leurs idées, mais une volonté d’exprimer un refus. C’est là que réside la clé : si ce vide est réinvesti par une parole politique claire, incarnée et cohérente, le populisme peut reculer.

Des démocraties qui se cherchent encore

Face au populisme, les démocraties traditionnelles peinent à répondre autrement que par la peur ou la diabolisation. Mais à force d’exclure le populisme du jeu, on oublie de comprendre ce qui le rend possible. C’est le manque de clarté, de justice perçue, de lisibilité dans les décisions publiques qui alimente son succès. Tant que les responsables politiques s’adresseront à la société avec des discours opaques ou désincarnés, le populisme restera une option séduisante. Il ne suffit pas d’être modéré pour être audible, encore faut-il être sincère. Si les démocraties veulent échapper à cette spirale, elles devront réapprendre à parler vrai, à écouter, à faire du conflit un espace politique légitime plutôt qu’un péril à éviter.

Un avenir encore ouvert

La montée du populisme n’est pas une fatalité, mais une alerte. Elle nous rappelle que la démocratie n’est jamais acquise, et qu’elle exige d’être constamment réinventée. Ce n’est pas tant la colère qu’il faut craindre, mais le vide qui l’a précédée. Et si la tentation populiste dit quelque chose d’essentiel sur notre époque, elle peut aussi forcer la démocratie à sortir de ses routines, à se rendre plus lisible, plus vivante, plus proche. Ce n’est pas le populisme qui est inexorable, c’est notre responsabilité de faire émerger autre chose.

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