Narcissisme, besoin d’amour : que cherche vraiment une figure présidentielle ?

Exposer sa personne, incarner une nation, séduire sans relâche : la fonction présidentielle ne se limite pas à gouverner. Elle exige de se donner à voir, de se faire entendre, d’être aimé — ou craint. Derrière l’autorité affichée, la figure présidentielle porte souvent un enjeu narcissique profond, qui oscille entre volonté de maîtrise et quête de reconnaissance. La scène médiatique devient alors un théâtre intime, où le besoin d’amour n’est jamais très loin de la pulsion de domination.
Le miroir du peuple comme épreuve du moi
En démocratie, le président est élu pour représenter le collectif. Mais ce miroir social agit aussi comme une surface de projection massive : plus on y cherche l’adhésion, plus on risque de s’y perdre. Chaque discours devient un test de popularité, chaque silence un danger, chaque geste une interprétation possible. La surexposition médiatique produit une forme de tension permanente entre l’image maîtrisée et les affects incontrôlables qu’elle suscite. Être président, c’est vivre avec l’angoisse du rejet, derrière le masque de l’assurance.
Le besoin d’amour masqué par la verticalité
La posture présidentielle est souvent verticale, hiératique, construite pour incarner la force et la stabilité. Mais ce rôle de père symbolique, de guide solitaire, masque parfois une demande implicite d’amour et de validation. L’obsession des sondages, le soin apporté à la mise en scène, la quête de reconnaissance internationale ne relèvent pas uniquement de la stratégie politique : elles répondent aussi à une fragilité narcissique. Plus on redoute de ne pas être à la hauteur, plus on cherche à imposer une image impeccable.
La caméra comme extension du moi
Le rapport à la caméra révèle cette tension. Parler au peuple, aujourd’hui, c’est surtout s’adresser à un objectif. Certains présidents la fixent avec intensité, d’autres l’évitent, certains théâtralisent chaque plan. La caméra devient un partenaire de scène autant qu’un juge silencieux. Elle capte les tremblements, les moments de toute-puissance comme les doutes mal contenus. Elle oblige à jouer un rôle sans relâche, jusqu’à parfois confondre soi et son image. Le narcissisme politique se nourrit alors d’une boucle sans fin : je m’expose donc j’existe.
Du charisme au vide : quand l’image s’effondre
Le danger d’une telle construction réside dans sa précarité. Ce qui a été bâti comme mythe peut se retourner en caricature. L’image s’use, le ton lasse, les mimiques deviennent des tics. L’amour du peuple, si ardemment recherché, peut se muer en indifférence ou en rejet. La solitude du pouvoir, souvent décrite par ceux qui l’ont exercé, tient à cette fragilité : plus on monte haut, plus le vide autour devient insoutenable. Le narcissisme politique n’est pas un excès d’égo : c’est une faille qui s’exprime dans la lumière.