Psychologie

Comptes publics, vies privées, motivations politiques, décisions administratives : la transparence s’impose comme un impératif contemporain. Être visible, traçable, lisible. On ne tolère plus l’opacité, la zone grise, le doute. Mais que cherche-t-on vraiment dans cette quête de clarté absolue ? Et si, derrière la transparence, se cachait un besoin plus inconscient : celui d’un monde sans ambiguïté, sans inconnu, sans conflit interne ?

La transparence comme réponse à la défiance

À première vue, l’exigence de transparence est une avancée. Elle répond à des scandales, à des mensonges, à des abus de pouvoir. Elle vise à rétablir une forme de confiance par la lumière. Voir, c’est pouvoir contrôler. Savoir, c’est pouvoir juger. C’est une manière d’équilibrer les rapports entre gouvernants et gouvernés, d’assurer que personne n’agira dans l’ombre. En cela, elle participe d’un idéal démocratique : celui d’un pouvoir accountable, rendu à ceux qu’il affecte.

Mais un idéal qui vire à l’obsession

Pourtant, cette exigence glisse parfois vers une demande plus radicale : tout doit être su, montré, expliqué. L’opacité n’est plus un dysfonctionnement, mais une faute. La zone de silence devient suspecte. Ce basculement révèle une dimension psychique : le rejet de l’ambiguïté, du flou, de l’imperceptible. La transparence devient alors moins un outil de justice qu’un fantasme de pureté morale. Elle traduit le désir illusoire d’un monde sans ombre, sans faille, où l’on pourrait tout voir, tout comprendre, tout anticiper.

Une mise à nu dangereuse

Ce fantasme n’est pas sans conséquences. Il transforme les individus en suspects permanents, sommés de se justifier sans cesse. Dans la vie publique comme privée, cette exigence produit une forme de contrôle insidieux : une société où le moindre écart devient visible, où le doute remplace la confiance. L’espace intime, le droit au secret, la part d’ombre nécessaire à tout sujet sont minés par cette exigence de clarté permanente. L’hypervisibilité devient une norme oppressante.

Pour une éthique du discernement

Revenir à une transparence pensée comme devoir de vérité sans culte de la pureté, c’est reconnaître que l’opacité n’est pas toujours malveillance. Le secret peut protéger, la pudeur peut respecter, l’ambiguïté peut dire quelque chose de l’humain. Une démocratie adulte n’a pas besoin de tout voir pour être juste. Elle a besoin de discernement, de contrôle éclairé, mais aussi de reconnaissance de la complexité. La lumière totale n’est pas un idéal : elle est une fiction. Et souvent, une violence.

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