Psychologie

Souvent analysé à travers ses discours, ses figures ou ses stratégies électorales, le populisme révèle autre chose de plus enfoui : il capte, canalise et met en scène des affects profonds, issus de l’inconscient collectif et individuel. Derrière le rejet des élites, la quête de pureté ou la mise en scène d’un peuple idéalisé, il s’agirait peut-être d’un théâtre psychique plus que d’un simple programme politique.

Le fantasme d’un peuple unifié

Le populisme repose sur une fiction : celle d’un peuple homogène, pur, trahi, qui retrouve sa voix. Cette construction ne dit pas tant la réalité sociale que le désir inconscient d’unité et d’appartenance. Dans un monde perçu comme éclaté, conflictuel, insécurisant, le récit populiste propose une réparation imaginaire : rétablir un « nous » rassurant face à un « eux » menaçant. Ce « nous » est moins une identité réelle qu’un refuge projectif, dans lequel chacun·e peut loger sa colère, sa nostalgie ou sa solitude.

La haine de l’élite comme transfert

La cible favorite du populisme, c’est l’élite. Pas seulement les dirigeants, mais aussi les intellectuels, les experts, les médiateurs. Cette haine n’est pas toujours politique : elle traduit souvent un ressentiment plus ancien, lié à un sentiment d’humiliation ou d’exclusion. L’élite devient la figure sur laquelle se projettent les blessures de classe, les sentiments d’infériorité, les rancunes muettes. Ce n’est pas seulement « ceux d’en haut » qu’on rejette, mais ce qu’ils incarnent : le savoir, la maîtrise, la distance émotionnelle. Le populisme donne alors forme à une demande affective : être reconnu, entendu, vengé.

Le leader comme figure parentale

Dans le populisme, le ou la leader est rarement un simple représentant. Il ou elle devient une figure investie affectivement, parfois de façon infantile ou archaïque. On attend d’iel qu’il ou elle protège, tranche, incarne, rassemble. Son autorité repose moins sur la raison que sur une forme de charisme pulsionnel, nourri d’identification et de transfert. Il ou elle ne propose pas un projet, mais un lien. Ce lien est souvent fusionnel, clivant, parfois violent. Il répond à une peur d’abandon, à un besoin de contour dans un monde flou. Le populisme, dans sa version la plus radicale, fonctionne comme une régression collective sous couvert d’action politique.

Une scène révélatrice, pas un accident

Plutôt que de disqualifier le populisme, il faut peut-être le lire comme une manifestation symbolique de ce que le politique a cessé de contenir : les peurs, les pulsions, les besoins de reconnaissance. Il met en scène l’inconscient d’un moment social : les frustrations inavouées, les pertes non reconnues, les violences refoulées. En cela, il agit comme un symptôme : bruyant, désorganisé, parfois inquiétant, mais porteur d’une vérité. L’enjeu n’est donc pas tant de le combattre que de le comprendre, pour rouvrir des espaces où l’inconscient puisse exister autrement que dans la haine ou la fusion.

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