Quand on ne se reconnaît plus dans sa propre vie : un signal d’alerte ?

Il y a des moments étranges où l’on avance dans sa vie comme dans un vêtement devenu trop étroit. Tout semble fonctionner en surface, et pourtant quelque chose ne colle plus. On se regarde vivre et on ne s’y retrouve pas. Ce n’est pas spectaculaire, ce n’est pas une crise, mais un décalage silencieux, persistant, qui ronge de l’intérieur. Comme si l’on poursuivait un mouvement ancien, sans y croire vraiment, avec l’impression que l’histoire que l’on raconte ne parle plus de soi.
Une impression d’avoir glissé hors de soi
Ce sentiment peut surgir sans prévenir : au détour d’un changement de rythme, d’un événement anodin, ou simplement d’un matin comme les autres. Quelque chose s’est déplacé, mais on ne sait pas quoi. On se sent étranger à ses propres choix, comme si une partie de soi n’était plus vraiment engagée dans la trajectoire suivie. On continue à faire ce qu’il faut, à remplir les cases, mais l’élan n’y est plus. Et ce manque d’élan ne se comble pas avec des solutions pratiques ou des distractions. Il persiste, comme un appel discret mais tenace.
Un flottement identitaire difficile à nommer
Ce n’est pas une perte de repères extérieure, c’est une perte de repères intérieure. Ce n’est pas que la vie est absurde ou que tout va mal. C’est qu’on ne sait plus exactement qui l’on est au milieu de tout ça. Le regard que l’on pose sur soi devient trouble, sans contour clair. Ce flou identitaire n’est pas toujours visible de l’extérieur, mais il est épuisant à porter. Il ronge la motivation, le plaisir, l’envie même d’essayer. On peut continuer à faire semblant, à fonctionner correctement, mais une partie de soi décroche, se met à l’écart. Et plus on essaie de retrouver ses repères anciens, plus on se rend compte qu’ils ne tiennent plus.
Le besoin de retrouver un centre
Ce malaise n’est pas forcément lié à une situation problématique. Il peut venir après une période intense, ou après avoir “réussi” quelque chose. Ce n’est pas le monde qui change, c’est notre façon de l’habiter. Et cette transformation, si elle n’est pas accompagnée, peut générer confusion, solitude et découragement. Ce n’est pas qu’on ne veut plus avancer, c’est qu’on ne sait plus d’où partir. Il faut parfois accepter de ne pas aller mieux tout de suite, pour laisser le temps au nouveau de se formuler. Ce moment de bascule est délicat, car il demande de faire de la place à ce qu’on ne connaît pas encore en soi.
Un exemple : Sophie, 37 ans, cadre et en perte d’élan
Sophie travaille dans le secteur culturel depuis plus de dix ans. Elle aime son métier, a construit une stabilité. Mais depuis plusieurs mois, une lassitude sourde s’installe. Elle a du mal à se lever, à se projeter, à se reconnaître dans son quotidien. Elle dit en séance : “je continue par habitude, mais je ne me retrouve plus dans rien”. En thérapie, elle commence à mettre au jour une fatigue existentielle, liée à un besoin ancien d’être “toujours à la hauteur”. L’élan de jeunesse s’est épuisé, et aucun nouveau désir ne prend la relève. C’est ce vide, précisément, qu’elle commence à apprivoiser. Elle découvre aussi qu’une part d’elle aspire à un autre rapport au temps, au corps, à la présence. Ce qu’elle croyait être de la perte est en fait une transition.
Quand la thérapie devient un espace pour se retrouver
Ce genre de flottement peut sembler abstrait, difficile à expliquer à son entourage. Et pourtant, il dit quelque chose d’essentiel. Il marque souvent le début d’une transformation intérieure. En thérapie, ce flou devient un terrain à explorer, pas à fuir. On n’y cherche pas des solutions rapides, mais une écoute précise, une façon de reconnecter avec ce qui en soi cherche à naître. Reconnaître qu’on ne se reconnaît plus, c’est déjà commencer à se rapprocher de soi. La thérapie offre alors un espace pour déposer cette confusion sans honte, pour laisser émerger ce qui cherche une forme, une voix, un nouvel élan.