Psychologie

Chaque jour, nous vivons des émotions, des rencontres, des événements qui s’accumulent dans notre mémoire. Mais ces expériences, aussi marquantes soient-elles, ne prennent sens que lorsqu’elles sont mises en récit. Le récit intérieur, cette manière singulière de se raconter à soi-même et parfois aux autres, est bien plus qu’un simple souvenir arrangé : c’est la trame par laquelle nous construisons notre identité, notre cohérence, notre continuité psychique. En psychanalyse comme dans d’autres approches thérapeutiques, retrouver le fil de sa narration est un acte de soin essentiel — un travail de subjectivation qui nous permet de devenir les auteurs de notre propre histoire.

Se raconter, c’est se construire

Le récit intérieur ne se limite pas à raconter ce que l’on a vécu. Il permet de choisir ce que l’on garde, ce que l’on transforme, ce que l’on comprend. Il donne une forme au chaos des expériences vécues, un fil rouge à ce qui pourrait sembler incohérent. En se racontant, le sujet se donne une place dans le monde, dans le temps, dans le langage. Il articule le passé, le présent et un futur possible. La psychanalyse propose justement un espace où ce récit peut se dire autrement, sans jugement, pour émerger peu à peu dans sa singularité.

Un récit qui se tisse dans la relation à l’Autre

Dès la naissance, nous nous construisons dans le regard, la parole et les attentes des autres. Notre récit intérieur est donc toujours influencé par les récits extérieurs : celui de nos parents, de notre culture, de nos héritages familiaux. Se raconter, c’est aussi parfois défaire des histoires imposées, mettre à distance des images de soi figées ou blessantes. Le travail thérapeutique permet de faire place à une parole plus libre, de reprendre le fil à partir de soi, et non de ce que l’on a cru devoir être pour exister aux yeux des autres.

Donner du sens, ce n’est pas tout comprendre

Le pouvoir du récit intérieur ne réside pas dans une vérité absolue, mais dans une élaboration symbolique. Il ne s’agit pas d’expliquer tout ce qui nous arrive, mais de trouver une forme qui apaise, qui relie, qui permet d’habiter ce qui a été vécu. Même les zones d’ombre ou les contradictions peuvent trouver leur place dans une histoire qu’on accepte de porter. Cette démarche permet de passer du vécu brut à l’expérience subjective, et d’éviter que le passé ne reste une charge confuse, non digérée.

Réécrire sans trahir, transformer sans falsifier

Créer son récit intérieur ne veut pas dire inventer ou embellir. Cela signifie choisir un angle, une voix, une manière d’habiter ce que l’on a traversé. Le sujet n’est pas prisonnier de ce qu’il a vécu : il peut réinterpréter, réorganiser, se repositionner. Ce pouvoir n’est pas illusoire : il témoigne de la capacité du psychisme à symboliser, à relier, à créer une continuité malgré les ruptures. Réécrire, ce n’est pas trahir la réalité, c’est se l’approprier dans un langage qui nous permet de la penser, et donc de la dépasser.

Une narration vivante, en mouvement

Le récit intérieur n’est jamais figé : il évolue avec le temps, les rencontres, les prises de conscience. Ce qui hier semblait central peut aujourd’hui être déplacé. Ce que l’on taisait peut devenir dicible. Cette plasticité est le signe d’une subjectivité vivante, en transformation, capable de se relire sans se renier. Donner du sens à ce que l’on vit, c’est donc accepter de réévaluer son histoire, d’en faire un matériau de connaissance, d’émotion, de lien. Le récit devient alors un espace d’émancipation, où l’on peut être sujet de sa vie — et non seulement le témoin de ses blessures.

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