Psychologie

On n’y pense pas toujours, mais pour beaucoup de patients, venir en séance n’est pas un simple rendez-vous neutre. C’est un moment qui met en jeu quelque chose de l’ordre de la performance intérieure. Dire les « bons mots », faire des progrès visibles, ne pas trop se répéter : autant de micro-pressions que l’on s’impose pour ne pas décevoir celui qui écoute. Ce n’est pas seulement une crainte d’être jugé, mais une peur plus profonde de ne pas répondre à une attente implicite, de ne pas être à la hauteur du regard silencieux du thérapeute.

Quand la séance devient une scène

Pour ces patients, chaque prise de parole semble devoir « compter ». On s’excuse d’être confus, on s’inquiète de parler trop ou pas assez, on redoute que le psy s’ennuie. La séance devient alors une scène sur laquelle se rejoue un vieux scénario : celui d’un enfant qui cherche à être vu, validé, sans jamais vraiment savoir ce que l’autre attend. Cette incertitude mobilise un surcontrôle : le récit est calibré, la spontanéité se fige, le silence est vécu comme une faute. Ce n’est pas la parole qui est difficile : c’est la crainte d’échouer à bien l’utiliser.

L’ombre d’une autorité intérieure

Derrière cette peur de mal faire se loge souvent une autorité internalisée, souvent parentale, qui a exigé sans toujours formuler. Il fallait deviner ce qui était attendu, anticiper les réactions, ajuster sans déranger. La séance thérapeutique, en dépit de son cadre bienveillant, peut alors activer cette voix intérieure critique : « ce n’est pas intéressant », « tu radotes », « tu n’avances pas ». Ce n’est pas tant le psy qui impose un standard que le patient qui rejoue, dans ce nouvel espace, une exigence ancienne d’être irréprochable pour mériter l’attention. Cela peut conduire à une forme d’auto-censure ou à une angoisse diffuse dès que l’on sort du cadre maîtrisé.

L’exemple d’Élise, 39 ans

Élise entame une thérapie après un burn-out. Très investie, elle prépare ses séances, note ses idées, vérifie qu’elle « avance ». Chaque silence de la part du psy l’inquiète : « Je me demande si ce que je dis est utile, ou si je tourne en rond », dit-elle un jour. Très vite, elle exprime sa peur d’être une « mauvaise patiente », comme on serait un mauvais élève. En explorant son passé, apparaît une scolarité rigoureuse et une mère pour qui la valeur passait par la conformité. En thérapie, elle tente d’être brillante pour éviter d’être décevante. Le travail s’approfondit quand elle se risque à ne pas tout maîtriser, à dire ce qui lui semble inutile, à laisser apparaître son doute – et non sa performance.

Accueillir l’imperfection comme matériau

La thérapie ne demande ni cohérence parfaite, ni efficacité mesurable. Ce qui paraît maladroit, répétitif, flou est souvent ce qui mérite d’être entendu avec le plus d’attention. En redoutant de décevoir, on cherche à protéger le lien, mais on l’empêche de devenir vivant. Car ce lien ne se nourrit pas de performance, mais de présence authentique. Lorsque le patient peut s’autoriser à mal faire, à ne pas être captivant, il découvre que l’autre reste là – et que quelque chose se joue précisément dans cet espace sans effort. C’est alors qu’un travail plus profond peut commencer, dégagé de la crainte d’être jugé ou de ne pas convenir.

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