Psychologie

Certains investissent leur métier avec une ardeur silencieuse, une présence constante, presque totale. Ce n’est pas qu’ils aiment tant leur travail, mais plutôt qu’ils s’y réfugient. Travailler devient alors un moyen de tenir à distance ce qui échappe au contrôle, à savoir le monde intime, affectif, relationnel. Dans ce glissement discret, le métier devient non plus un espace d’expression, mais un abri contre la vulnérabilité.

Travailler pour exister

Lorsque le lien à soi ou aux autres est incertain, le travail offre un cadre stable, des règles, une reconnaissance claire. Là où la vie personnelle génère du flou, du manque ou de l’imprévisible, le métier donne des repères. Être utile, compétent, indispensable permet de maintenir une image solide. Cela ne relève pas de la simple ambition mais d’une stratégie psychique : faire pour ne pas sentir. Plus la fonction est surinvestie, plus elle sert d’écran à ce qui, autrement, serait trop fragile ou trop nu.

Une intimité sacrifiée au profit du rôle

Ce refuge professionnel se construit souvent au prix d’une mise entre parenthèses de la vie intime. Les émotions personnelles sont contenues, parfois niées, parce qu’elles pourraient déborder, fragiliser, désorganiser la fonction. Ce qui est ressenti est traité en silence, voire déplacé dans l’attention portée aux autres, dans le soin, dans l’engagement. Mais cette posture finit par créer un vide intérieur. Plus on se définit par son utilité, moins on sait exister sans fonction, sans mission, sans attente. L’identité se rétrécit autour de la performance.

Le risque de l’effondrement

Tant que le travail tient, cette stratégie semble efficace. Mais au moindre accident de parcours – maladie, perte d’emploi, rupture de sens – c’est l’ensemble de l’édifice qui vacille. Ce qui avait été refoulé remonte, parfois de manière brutale. L’individu découvre alors qu’il ne sait plus où habiter en lui-même. L’utilité qui servait de bouclier devient une prison. Et ce retour de l’intime, longtemps tenu à distance, surgit avec d’autant plus de force qu’il n’a jamais été écouté.

Réconcilier l’être et le faire

Sortir de cette logique n’implique pas de renoncer au travail ou à l’investissement. Il s’agit plutôt de retrouver un espace où l’on puisse être, en dehors de ce que l’on fait. Cela passe souvent par des gestes modestes : s’autoriser l’inaction, accepter l’imperfection, reconnaître un besoin, une émotion, un désir sans but. Travailler peut rester une source d’équilibre, à condition qu’il ne serve plus à fuir mais à prolonger un rapport vivant à soi. Ce déplacement intérieur est discret mais essentiel : il redonne au métier sa juste place, et à l’individu sa profondeur oubliée.

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