Se faire masser sans culpabilité : une autorisation à exister autrement

Sortir de l’idée que le soin est un luxe ou une faiblesse.
Certains hommes ne se sont jamais autorisés à recevoir un soin corporel. Non pas qu’ils en aient eu peur, mais parce que l’idée même de prendre soin d’eux leur semblait déplacée, presque honteuse. Dans un imaginaire façonné par l’endurance et la productivité, s’allonger pour recevoir un massage revient parfois à se sentir inutile ou passif. Pourtant, le soin corporel n’est ni un caprice ni un privilège : il peut devenir un acte de réconciliation, un moment silencieux où l’on cesse enfin de se prouver qu’on tient.
Le soin, entre résistance intérieure et honte sociale
Recevoir un massage, pour certains, réveille des tensions invisibles. Le corps ne se relâche pas. L’esprit s’interroge. On pense au temps perdu, à l’argent dépensé, à l’image que cela renvoie. Derrière ces résistances, il y a souvent une croyance ancienne : celle que se laisser aller, c’est se fragiliser. Or, le soin corporel n’est pas un abandon de soi, mais une autre manière d’habiter sa force. Il ne s’agit pas de devenir vulnérable, mais de se rendre accessible à une autre forme de présence.
L’exemple de Malik, une détente qui remet en mouvement
Malik, 42 ans, travaille dans la logistique et n’a jamais mis les pieds dans un centre de soin. Suite à des douleurs récurrentes au dos, il accepte la proposition de sa compagne de faire une séance de massage. Les premières minutes sont inconfortables : il garde les yeux ouverts, serre les mâchoires, retient sa respiration. Puis quelque chose lâche. Malik dit qu’il a senti « une présence calme » autour de lui, sans attente ni injonction. Il est sorti de la séance étonné de ressentir plus d’espace en lui. Ce n’était pas de la faiblesse, mais une forme d’ancrage.
Une bascule de l’action vers l’accueil
Dans le soin corporel, l’action change de camp. Ce n’est plus soi qui agit, mais soi qui reçoit. Et cette inversion peut être déstabilisante. Pour ceux qui ont été éduqués dans la surresponsabilité ou la performance, ne rien faire est parfois le plus difficile. Mais c’est aussi une bascule salutaire : le moment où l’on n’a plus à justifier son existence par l’utilité ou l’efficacité. Le massage devient alors un rite discret, presque symbolique, qui invite à réécrire le rapport au mérite, au corps, à l’être.
Un droit d’exister sans produire
En acceptant de se faire masser, on ne se donne pas seulement du confort : on se reconnaît le droit d’exister autrement. Un droit d’exister sans produire, sans prouver, sans tenir à tout prix. Ce droit-là, certains hommes le découvrent tardivement, souvent à l’épuisement. Et pourtant, il est au cœur de toute transformation intérieure. Se faire masser, ce n’est pas baisser la garde : c’est, peut-être, pour la première fois, poser le corps et le laisser parler sans le contraindre.