Psychologie

Dans le silence feutré du cabinet, quelque chose se noue parfois sans être dit. Le regard, l’attention, la régularité des rendez-vous : autant d’éléments qui peuvent éveiller un sentiment inattendu. Et si, parmi tous ses patients, le psy nous considérait un peu différemment ? Cette attente d’être unique dans le regard du thérapeute, même discrète, n’a rien d’anodin. Elle renvoie à des enjeux affectifs profonds, souvent issus d’un passé où la reconnaissance manquait, ou était conditionnelle.

Une quête d’amour différencié

Être « spécial » pour l’autre, c’est ne plus être interchangeable. Dans l’enfance, cela peut signifier exister vraiment pour une figure parentale, être vu au-delà des attentes ou des projections. La relation thérapeutique, par sa stabilité et son écoute, réveille parfois ce désir enfoui : être reconnu dans sa singularité. Mais dans ce cadre, cette attente peut devenir une tension silencieuse si elle n’est pas reconnue ou pensée. Car si l’illusion d’être exceptionnel n’est pas mise au travail, elle risque de se heurter à la réalité du cadre, vécue alors comme une trahison.

Quand le besoin bloque la parole

Vouloir être perçu comme différent peut aussi entraver le processus thérapeutique. Le patient peut chercher à plaire, à impressionner, à raconter ce qu’il pense que le psy attend. Il ne parle plus pour lui-même, mais pour entretenir une image idéale qui garantirait cette place à part. Or, le travail sur soi exige parfois de dire ce qui est moins valorisant, moins maîtrisé. Tant que le besoin d’être exceptionnel prédomine, il devient difficile d’accéder à des zones plus vulnérables, qui contredisent cette image.

L’exemple de Clémence, 29 ans

Clémence parle beaucoup de ses lectures, de ses projets artistiques, de son indépendance. Elle évite les silences, sourit souvent, cherche l’approbation dans le regard du psy. Un jour, elle dit à demi-mot qu’elle espère être « différente des autres patientes ». Ce lapsus ouvre une faille : le besoin d’être préférée pour ne pas revivre le sentiment d’indifférence éprouvé dans sa fratrie. En travaillant cette attente, Clémence cesse peu à peu de séduire pour exister. Elle commence à dire ses angoisses, sa solitude, ses manques. Et c’est là que le travail devient plus vrai.

Être vu, autrement

Vouloir être spécial n’est pas un caprice narcissique. C’est souvent le signe d’un manque ancien de reconnaissance stable, d’un besoin d’existence qui n’a pas trouvé d’appui fiable. Mais dans la relation thérapeutique, ce qui soigne, ce n’est pas d’être élu, c’est d’être vu sans condition. Reconnaître cette attente, c’est ouvrir la possibilité de se détacher d’elle. Car on peut exister pleinement pour l’autre sans avoir besoin d’être préféré. Et c’est peut-être cela, l’expérience réparatrice : être accueilli dans sa singularité, sans être mis à part.

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