Psychologie

Certaines personnes privilégient les liens avec des individus plus jeunes qu’elles, que ce soit dans l’amitié ou les sorties. Ce choix est parfois spontané, parfois présenté comme un simple hasard. Mais il peut aussi révéler un mécanisme plus subtil : une manière de maintenir une forme de supériorité implicite, pour éviter la confrontation à des pairs qui mettent en jeu l’égalité, la rivalité ou la remise en question.

Le besoin de rester en position haute

S’entourer de plus jeunes, c’est souvent occuper naturellement une place de référent·e, de guide, de personne “qui sait”. Cela évite l’inconfort de se sentir comparable, donc potentiellement jugé, mis en concurrence, ou simplement vu sans avantage hiérarchique. Cette posture répond à une fragilité narcissique mal élaborée. Au lieu de s’exposer à l’égalité des pairs — qui implique un miroir parfois imparfait — le sujet préfère habiter une position ascendante, qui le rassure sur sa valeur. Il ou elle peut transmettre, briller, donner des conseils, mais reste à distance de l’exposition intime. C’est une stratégie de préservation, pas une volonté de contrôle consciente. Elle permet d’être aimé sans être vulnérable.

Une horizontalité redoutée plus qu’un âge recherché

Ce qui est évité ici, ce n’est pas l’âge des autres, mais ce que cet âge représente : une proximité identitaire et psychique qui pourrait ébranler l’image idéale que le sujet a de lui-même. Avec des personnes plus jeunes, les écarts sont évidents, rassurants. Il est facile d’être celui ou celle qui a “de l’avance”, qui comprend mieux, qui a déjà vécu. Mais avec les pairs, cette illusion s’effondre : on redevient comparable, faillible, égal. Et cette égalité, si elle n’a pas été intériorisée, génère de l’angoisse. Le lien devient alors menaçant, car il réactive des sentiments d’infériorité, de honte ou de confusion issus de l’enfance. Sortir avec plus jeunes devient alors une défense bien huilée : plaisante, valorisante, mais fondamentalement défensive.

Exemple : Julien, 36 ans, toujours entouré de jeunes collègues

Julien aime sortir avec ses collègues plus jeunes. Il les trouve “plus légers”, “plus ouverts”, dit-il. Mais il reconnaît aussi qu’il se sent souvent mal à l’aise avec des gens de son âge, comme s’il devait y prouver davantage. En séance, il évoque une adolescence difficile, marquée par une comparaison constante avec son frère aîné, brillant, compétitif. Il comprend que dans les liens d’égalité, il se sent en danger de ne pas suffire. Avec les plus jeunes, il peut occuper une place valorisante sans avoir à se défendre. Mais il commence à ressentir une forme de solitude : il est apprécié, mais rarement rejoint dans sa complexité. Il perçoit que pour se sentir vraiment en lien, il devra aussi traverser cette crainte d’être mis sur un pied d’égalité.

Revenir à une rencontre plus vraie

Il ne s’agit pas de renoncer aux liens intergénérationnels, mais de repérer ce qu’ils protègent, et ce qu’ils empêchent. Parfois, la rencontre véritable n’est possible qu’à condition d’abandonner la supériorité implicite, de tolérer le doute, de supporter l’idée d’être vu tel que l’on est, sans avantage structurel. Revenir à l’horizontalité du lien, c’est aussi accepter de ne plus briller systématiquement, pour enfin commencer à exister pleinement dans la relation.

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