Psychologie

Certains disent oui à toutes les invitations, multiplient les sorties, assurent une présence régulière dans le cercle amical ou social. Mais derrière cette apparente sociabilité, se cache parfois une fatigue invisible, un effort constant pour rester dans le lien par peur d’en être exclu. Sortir n’est plus alors un plaisir, mais une obligation intérieure. Il ne s’agit plus de partager, mais de préserver — à tout prix.

La peur du désinvestissement affectif

Dans de nombreuses configurations inconscientes, le lien est vécu comme fragile, menacé, conditionnel. Si l’on n’est pas là, on disparaît. Si l’on dit non, on déçoit. Le refus d’une invitation n’est pas interprété comme une limite personnelle mais comme un risque : celui d’être rayé, oublié, disqualifié. Cette logique conduit à un surinvestissement : on sort pour rassurer l’autre, pour maintenir sa place, pour donner des gages de présence. C’est une loyauté affective silencieuse, souvent héritée de relations précoces où l’amour n’était jamais garanti, où il fallait « faire » pour rester visible. Cette loyauté épuise à mesure qu’elle cherche à combler une dette ancienne.

Une disponibilité de façade, aux dépens de soi

Sous cette présence constante, se cache parfois une forme de trahison de soi, un effacement progressif de ses besoins réels. Le sujet dit oui, mais son corps dit non. Il se rend à une soirée alors qu’il rêve de silence, il écoute longuement quand il n’a plus d’énergie. Ce n’est pas de la gentillesse, c’est de la peur. La peur de blesser, d’être perçu comme distant, de ne plus exister dans la mémoire affective de l’autre. Cette fausse disponibilité, entretenue par une culpabilité relationnelle sourde, finit par générer une forme de dissociation intérieure : je suis là, mais je ne suis plus vraiment présent. Le lien devient une obligation, et parfois même un mensonge.

Exemple : Aude, toujours là, jamais en repos

Aude, 39 ans, est connue dans son cercle comme une amie précieuse, disponible, présente. Elle ne manque aucune invitation, trouve toujours un créneau. Mais depuis quelques mois, elle dit ressentir une fatigue profonde, un épuisement diffus, comme si elle vivait à côté d’elle-même. En thérapie, elle évoque une enfance où elle se sentait utile mais pas désirée. Elle comprend que son hyper-présence est une manière de se rendre indispensable, de sécuriser une place qu’elle croit instable. Refuser une sortie l’angoisse. Elle redoute que les autres s’éloignent, qu’on l’oublie. Elle commence à voir que cette fidélité au lien est devenue une infidélité à son rythme, à sa vitalité, à ses besoins.

Sortir du lien pour mieux y revenir

Il ne s’agit pas de fuir l’autre, mais de renouer avec une présence authentique, qui ne naît pas de la peur mais du désir. Dire non, poser une limite, refuser une sortie : autant de gestes simples qui deviennent possibles quand le lien n’est plus vécu comme conditionnel. Cela suppose un travail intérieur de séparation entre le passé et le présent : aujourd’hui, peut-être, l’amour n’est plus suspendu à notre capacité à être toujours là. Et c’est dans cette désidentification que peut naître un lien plus libre, plus vrai, moins coûteux. Une place qui ne s’épuise pas à être défendue.

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