Un changement de rythme, et le malaise émerge

Il y a des moments où tout semble enfin ralentir. On les attend, parfois on les planifie : des vacances, une pause professionnelle, un passage à la retraite. Le rythme s’apaise, les sollicitations diminuent, l’espace se libère. Mais ce que l’on croyait être du repos peut faire remonter un malaise enfoui. Car derrière l’arrêt, quelque chose commence à parler.
Quand le vide révèle ce qui était tenu à distance
Tant que le quotidien impose son tempo, il est possible de ne pas trop s’écouter. Les contraintes, les horaires, les urgences maintiennent à flot. Mais dès que le rythme s’interrompt, l’équilibre peut vaciller. Le calme tant espéré devient parfois inquiétant, presque oppressant. Ce n’est pas le vide en soi qui gêne, mais ce qu’il permet de ressentir : une fatigue profonde, une tristesse larvée, une absence de désir.
L’agitation comme stratégie d’évitement
Certaines personnes réalisent, à l’occasion d’un congé ou d’une période d’inactivité, à quel point elles étaient prises dans une forme d’agitation défensive. Bouger, produire, organiser, c’est aussi éviter de sentir. Tant que le mouvement est là, les questions existentielles peuvent rester en arrière-plan. Mais quand tout s’arrête, ce qu’on repoussait refait surface : un sentiment d’inutilité, une peur du vide, une angoisse plus ancienne.
Le paradoxe du temps libre
On pourrait croire que le temps libre libère. Et parfois, il le fait. Mais il peut aussi désorienter, en mettant au jour des failles que le quotidien contenait. La liberté n’est pas toujours facile à habiter. Elle confronte à ce qu’on n’a jamais pris le temps d’élaborer : des blessures restées actives, des deuils non faits, des désirs mis en sourdine. Ce n’est pas l’inactivité qui blesse, mais ce qu’elle expose.
Un exemple : Élodie, 53 ans, face à sa retraite
Élodie vient de prendre sa retraite après trente ans de carrière dans l’éducation. Les premières semaines se passent bien, puis un malaise insidieux s’installe. Elle se sent vide, inutile, nerveuse sans raison. Elle réalise qu’elle avait construit toute son estime sur son rôle professionnel. En thérapie, elle met à jour un sentiment ancien de devoir “mériter” sa place, hérité d’une enfance marquée par une exigence silencieuse. L’arrêt de l’activité révèle une fragilité identitaire qu’elle n’avait jamais pu explorer.
Quand la thérapie aide à traverser ces transitions
Ces temps de pause ne sont pas forcément des moments de crise, mais ils peuvent devenir des révélateurs puissants. La thérapie permet alors de comprendre ce que ce malaise veut dire, plutôt que de chercher à le faire taire. Elle aide à accueillir ce qui surgit, à redonner du sens à ce qui semblait flou ou disproportionné. Ce qui paraît être un dérèglement peut devenir une ouverture, si on prend le temps de l’écouter.