Un poids en moi que rien n’explique vraiment

Il arrive que le corps dise ce que les mots n’arrivent pas à formuler. Une lourdeur diffuse, une fatigue persistante, une sensation de pesanteur intérieure qui résiste à toutes les explications. Ce poids n’est pas lié à une circonstance précise, et c’est justement ce qui le rend déroutant. Il ne vient pas d’un chagrin récent, ni d’un événement identifiable, mais il est là, obstiné, comme un signe muet qu’un déséquilibre plus profond cherche à se faire entendre.
Quand rien ne va vraiment mal… mais que rien ne va vraiment bien
On continue à travailler, à faire ce qu’il faut, à remplir les tâches du quotidien. Rien de dramatique ne se passe, aucune alerte franche à l’horizon. Et pourtant, une forme d’usure intérieure s’installe, sans cri ni chaos. Le monde semble tourner à la bonne vitesse, mais on n’arrive plus à suivre. C’est comme une perte de densité, une impression d’être vidé de l’intérieur, tout en maintenant la façade du fonctionnement.
Ce que l’on sent, sans pouvoir le nommer
Ce mal-être sourd ne se formule pas facilement. Il ne se raconte pas bien, car il n’a pas de contour net. C’est une sensation, pas une explication. Et dans un monde où l’on valorise les récits clairs et les diagnostics précis, ce type de ressenti flotte, sans statut. On doute de sa légitimité. On se demande si on exagère, si on s’écoute trop, ou si l’on est simplement “fatigué”. Mais ce flottement émotionnel mérite d’être pris au sérieux, car il est souvent le signe que quelque chose cherche à émerger.
Une mémoire émotionnelle plus ancienne ?
Ce poids intérieur, quand on l’écoute avec attention, peut être relié à des couches plus profondes. Il vient parfois d’un lieu ancien, d’une charge affective restée en attente. Ce n’est pas nécessairement un traumatisme, mais un sentiment longtemps retenu, une parole jamais dite, une émotion figée dans le temps. Et à force de rester enfouie, cette matière émotionnelle finit par peser sur le présent. Elle colore les jours sans raison apparente, et demande à être enfin reconnue.
Un exemple : Mehdi, 41 ans, et une fatigue sans cause
Mehdi ne comprend pas ce qui lui arrive. Il dort, mange, travaille, mais se sent comme vidé de l’intérieur. Il n’y a pas de crise, pas de problème de santé identifié. Juste cette impression persistante d’un poids au creux du ventre, d’une tension qui ne le quitte pas. En thérapie, il découvre peu à peu un sentiment de solitude très ancien, resté inavoué depuis l’enfance. Il comprend que ce vide n’est pas une faiblesse actuelle, mais une trace d’un lien manqué, d’un besoin non écouté. Et ce qu’il prenait pour une simple fatigue devient une invitation à revenir vers lui-même.
Quand la thérapie devient un espace d’écoute du non-dit
Ce genre de malaise ne disparaît pas par la volonté ou la logique. Il demande une écoute lente, patiente, sans jugement. La thérapie offre un espace pour donner forme à ce qui ne se dit pas encore. Elle permet de se relier à ce qui en soi est resté figé, silencieux, inachevé. Ce poids sans cause visible devient alors une trace, un indice, un point de départ vers un mouvement plus profond. L’explorer, c’est déjà l’alléger.