Psychologie

Dans une société marquée par la diversité des origines, des trajectoires et des mémoires, la question du passé partagé devient centrale. Comment faire société quand les histoires ne coïncident pas ? Quand les récits se contredisent, s’ignorent ou se blessent mutuellement ? Peut-on forger des valeurs communes sans fondation historique commune ? L’enjeu n’est pas seulement éducatif ou identitaire. Il touche au cœur du lien symbolique entre les individus : ce qui nous relie au-delà de ce que nous avons vécu séparément.

Une mémoire fragmentée, entre oubli et revendication

Chaque groupe social porte sa propre mémoire : héritages familiaux, récits de migration, blessures historiques, fiertés silencieuses. Dans cet entrelacs, certains récits sont célébrés, d’autres marginalisés. L’histoire nationale elle-même a longtemps fonctionné comme un récit dominant, excluant les voix dissonantes. Aujourd’hui, la revendication de mémoire est forte. Elle est légitime. Mais elle complexifie le récit commun. Il ne s’agit plus d’enseigner un passé unifié, mais de reconnaître que les histoires ne s’additionnent pas facilement.

Les valeurs communes ne précèdent pas le lien, elles en sont le produit

Ce que l’on appelle valeurs communes ne tombe pas du ciel. Elles ne précèdent pas la société, elles en sont le résultat lent, fragile, disputé. L’erreur serait de croire qu’il faut d’abord s’entendre sur le passé pour pouvoir se projeter ensemble. C’est souvent l’inverse : c’est en se confrontant dans le présent, en vivant des expériences partagées, que des symboles nouveaux peuvent émerger. La mémoire ne doit pas être une condition préalable au commun, mais un chantier ouvert où chacun peut déposer son histoire sans l’imposer.

Un socle symbolique à réinventer

Ce socle n’est pas forcément fait de dates, de héros ou de drapeaux. Il peut se construire autour de valeurs vécues : la dignité, la reconnaissance, la justice, la solidarité. Ce sont des principes que chacun peut éprouver, quelles que soient ses origines. Mais pour qu’ils soient communs, il faut qu’ils soient incarnés de manière équitable. Une valeur partagée n’est pas un mot proclamé, mais une expérience reconnue. Tant que certains vivent l’égalité ou la liberté comme une fiction, le commun reste une abstraction.

Écrire ensemble un futur habitable

Plutôt que de chercher un passé homogène, il faut ouvrir un espace où les mémoires dialoguent sans se disqualifier. Un espace où l’histoire ne soit pas figée, mais en mouvement. La diversité n’est pas un obstacle à l’unité si l’on accepte que le commun se fabrique dans le conflit, le débat, la reconnaissance. Ce n’est pas un récit unique qui fait société, mais la possibilité de se raconter ensemble, même différemment. C’est dans cette polyphonie que peut naître une autre idée du lien collectif : non plus fusionnelle, mais habitée.

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