Psychologie

On entre parfois en thérapie avec l’espoir d’être enfin compris, mais sans trop en dire. C’est une attente rarement formulée, souvent inconsciente, mais puissante : que le psy devine, ressente, comprenne avant même que les mots ne soient posés. Ce désir d’être saisi dans le silence, d’être reconnu dans le non-dit, dépasse la simple attente relationnelle : il touche à une mémoire affective ancienne. Dans le cadre thérapeutique, cette attente peut à la fois nourrir la relation… et en entraver le mouvement.

Une attente fondée sur l’infantile

Être compris sans avoir à parler renvoie à une forme d’idéalisation originelle : celle d’un autre qui percevrait nos besoins avant qu’ils soient formulés. Ce fantasme repose souvent sur le souvenir inconscient d’un lien primaire, où le nourrisson dépend entièrement de l’intuition de l’autre. Dans cette logique, parler devient presque une trahison, comme si la parole trahissait la profondeur de l’émotion. C’est pourquoi certain·es patient·es éprouvent une frustration diffuse quand le thérapeute « ne comprend pas assez vite » ou ne saisit pas immédiatement ce qui se joue.

Le risque d’une impasse relationnelle

Cette attente silencieuse peut devenir un obstacle si elle reste invisible. Le psy ne répond jamais tout à fait à cette demande implicite, car son rôle n’est pas de combler une absence affective, mais de l’élaborer. Or, plus cette attente reste secrète, plus elle est projetée sur l’autre, avec le risque de ressentir du désintérêt ou du rejet là où il y a en réalité écoute. Cela peut entraîner un repli, un sentiment d’incompréhension ou même une colère injustifiée. Nommer cette attente, même maladroitement, permet souvent de relancer le lien.

L’exemple de Maëlle, 35 ans

Maëlle consulte pour une fatigue chronique et un sentiment de vide. Elle parle peu, hésite, s’arrête souvent. Elle dit qu’elle aimerait que « le psy comprenne sans qu’elle ait à tout expliquer ». Derrière ce souhait se révèle une enfance marquée par une mère absente psychiquement, incapable de percevoir les états internes de sa fille. Maëlle espère aujourd’hui une forme de réparation, à travers une présence devinante. Lorsque cette attente est explorée en séance, non comme un caprice mais comme une trace, elle cesse de figer le lien. Elle devient un point d’appui, un matériau de travail.

Vers une compréhension mutuelle

Être compris sans parler restera toujours une part du désir humain. Mais dans l’espace thérapeutique, c’est le passage du silence à la parole – même imparfaite – qui permet l’élaboration. Le psy n’est pas celui qui devine, mais celui qui accueille ce que l’autre accepte de dire, et parfois ce qu’il ne parvient pas encore à formuler. Reconnaître l’attente primitive d’être compris sans mots, c’est commencer à la déplier, à en faire une matière vivante, et non un empêchement. C’est transformer une blessure originelle en lien possible.

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