Vouloir plaire à son psy : une stratégie pour être accepté ou aimé ?

Dans le cadre protégé de la thérapie, chacun·e cherche à déposer quelque chose de soi. Mais ce mouvement est parfois précédé, ou empêché, par un autre : le désir de plaire, d’être apprécié, de susciter une forme de reconnaissance affective. Ce n’est pas une coquetterie ni une ruse consciente, mais souvent une stratégie ancienne, forgée pour se protéger du rejet. Plaire au psy devient alors une manière détournée de s’assurer qu’on pourra continuer à parler, sans être jugé ni abandonné.
Le plaisir de séduire, la peur d’exister
Pour certain·es, parler vrai revient à se montrer dans ses contradictions, ses parts honteuses, ses failles. Cela suppose de pouvoir compter sur un regard qui ne condamne pas. Mais quand ce regard est imaginé comme incertain ou menaçant, le besoin de plaire prend le dessus. On adapte son récit, on met en avant ses réussites, on se surveille. Le discours devient lissé, stratégique, parfois même inconsciemment enjolivé. Ce que l’on donne à voir est alors un « soi acceptable », là où l’enjeu serait d’approcher un « soi habité ».
Une répétition de l’enfance
Ce mécanisme de séduction défensive s’ancre souvent dans une histoire familiale où la place n’était jamais acquise. Il fallait être sage, drôle, intelligent, utile… pour mériter d’être aimé. Plaire était une condition de survie affective. En thérapie, ce scénario se rejoue : on veut « être un bon patient », intéressant, fluide, pour ne pas risquer de décevoir ou d’être ignoré. Cette attente implicite peut ralentir le processus, car tant qu’on parle pour séduire, on ne parle pas encore depuis soi.
L’exemple de Julien, 34 ans
Julien arrive en thérapie avec un discours très articulé. Il parle vite, anticipe les interprétations, se corrige souvent. Il s’excuse de trop parler, puis s’excuse de ne pas assez dire. Très vite, il dit qu’il espère être « un patient agréable », parce qu’il ne supporte pas l’idée d’être perçu comme ennuyeux ou trop compliqué. En explorant cette phrase, Julien évoque son enfance marquée par un père distant et ironique, dont il attendait en vain un signe d’approbation. En comprenant que ce besoin de plaire le coupait de son ressenti, il commence à ralentir. À parler moins bien, mais plus juste.
Plaire ou rencontrer ?
Vouloir plaire au psy n’est pas un échec, c’est une tentative de maintenir le lien. Mais tant que cette stratégie reste inconsciente, elle agit comme un filtre : elle empêche le thérapeute de rencontrer ce qui cherche vraiment à se dire. C’est en acceptant de ne pas plaire, de ne pas être aimable, que l’on entre dans la relation thérapeutique réelle. Là où il ne s’agit plus d’être choisi, mais d’être entendu. Et là où l’amour, s’il circule, ne dépend plus de la performance, mais d’une humanité partagée.