Psychologie

La perte ou l’absence d’emploi ne renvoie pas uniquement à une fragilité économique. Pour beaucoup, elle touche un point plus intime, plus profond : celui de l’identité. Sans fonction, sans rôle à tenir, sans cadre relationnel quotidien, le sentiment d’exister peut vaciller. L’activité professionnelle, même lorsqu’elle est contrainte ou insatisfaisante, structure une part de l’être. En son absence, surgit parfois une forme de vacuité, comme si la personne ne savait plus qui elle est sans ce point d’appui. Ce n’est pas seulement l’inactivité qui déstabilise, mais l’effondrement de repères internes liés à l’utilité, à la reconnaissance et à la continuité.

L’emploi comme support narcissique

Le travail n’est pas seulement un moyen de subsistance : il fonctionne comme un miroir. Il confirme une place, rend visible aux autres, donne forme au temps. Lorsqu’il disparaît, tout un système de validation et de structuration de soi s’éteint. Ce qui s’ouvre, c’est une forme de vide : que vaut-on quand plus rien ne vient l’attester ? Ce vide n’est pas toujours nommé comme tel. Il se manifeste par une fatigue inhabituelle, une perte d’élan, une difficulté à se projeter. Ce qui vacille, c’est la cohérence interne. Sans rôle, le moi se délite, et laisse parfois apparaître des angoisses anciennes, restées jusque-là contenues par la fonction occupée.

Un exemple : Céline face à l’éclatement

Céline, 40 ans, a quitté son poste dans la communication après un burn-out. Après quelques semaines de repos, elle ressent une étrange sensation : elle se sent invisible, flottante, comme si elle n’était plus vraiment là. Elle réalise que sa valeur, son rythme, et même ses liens sociaux étaient presque entièrement organisés autour du travail. Ce qui devait être une pause devient un vertige. En séance, elle évoque une peur archaïque : celle de ne pas exister sans être utile. En nommant cette angoisse, un espace s’ouvre pour repenser son rapport au travail, non plus comme béquille identitaire, mais comme choix possible.

Distinguer l’identité du rôle

Ce que révèle cette vacance forcée, c’est souvent une confusion ancienne entre ce que l’on fait et ce que l’on est. Le vide identitaire n’est pas provoqué par l’absence d’activité, mais par une dépendance inconsciente à la fonction comme seule source de valeur. Revenir à soi, sans l’habillage professionnel, peut être douloureux. Mais cette mise à nu offre aussi une opportunité rare : celle de réhabiter d’autres parts de soi, non liées à la performance ou à la reconnaissance extérieure. Le vide devient alors transition, et non effondrement.

Se reconfigurer autrement

Sortir de cette sensation de vide ne signifie pas retrouver un emploi au plus vite. Il s’agit plutôt de traverser cette période comme un sas psychique, un espace pour interroger ce qui, jusqu’ici, tenait lieu d’identité. Cela suppose du temps, parfois un accompagnement, souvent une forme de courage : celui de ne pas combler trop vite, mais de se laisser atteindre par le manque. Ce n’est qu’en acceptant ce flottement qu’un nouvel ancrage peut émerger, plus souple, plus personnel. Ce n’est pas l’absence d’emploi qui fait vaciller, mais l’occasion qu’elle donne de se rencontrer à nu.

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