Psychologie

Certaines personnes jouent pour explorer, d’autres pour se détendre. Mais il est un usage plus insidieux : celui de l’accumulation frénétique de victoires, de trophées, de niveaux, comme si chaque réussite virtuelle venait compenser un manque plus profond. Ce besoin de gagner à tout prix, non pas pour le plaisir mais pour survivre intérieurement, traduit une tension psychique particulière. Quand la victoire devient une nécessité, c’est souvent qu’elle vise à réparer symboliquement une blessure narcissique plus ancienne.

Le besoin de preuve, encore et encore

Loin du simple défi ludique, l’enchaînement des victoires répond parfois à une soif de validation. Chaque réussite devient une preuve – souvent muette – que l’on vaut quelque chose. Le joueur ne célèbre pas sa victoire : il la consomme pour combler une faille de l’estime de soi. Très vite, la satisfaction disparaît, remplacée par la nécessité d’en gagner une autre. Cette logique cumulative ne mène pas à un renforcement du moi, mais à une forme d’addiction au soulagement provisoire.

Un narcissisme en réparation silencieuse

Le jeu offre une scène idéale pour rejouer ce qui, dans la vie réelle, n’a pas été reconnu. En accumulant les performances, certains tentent de réécrire une histoire où ils ont manqué d’attention, de valorisation ou de considération. Ils créent un récit parallèle, où ils sont forts, visibles, puissants. Ce déplacement est souvent inconscient. Il ne s’agit pas de tricher, mais de se reconstituer symboliquement à travers un personnage invincible, un compte plein de victoires ou un palmarès affichable.

L’exemple de Lucas, 25 ans

Lucas passe plusieurs heures par jour sur un jeu de combat compétitif en ligne. Il suit de près son classement, ses statistiques, ses performances. Il dit que “quand il perd, il se sent écrasé” et que “seul le haut du classement le rassure un peu”. Dans sa vie, Lucas a longtemps été considéré comme « discret », peu remarqué, peu valorisé. Ses succès scolaires étaient passés sous silence. Aujourd’hui, c’est dans le jeu qu’il trouve une forme de reconnaissance : les points, les classements, les éloges dans le chat. Mais il avoue que cela ne suffit jamais longtemps.

Une victoire qui ne comble rien

Chercher à gagner n’a rien de problématique en soi. C’est même un moteur du jeu. Mais lorsque la victoire devient le seul espace de soulagement, elle révèle une stratégie d’auto-réparation fragile. Le joueur ne cherche plus à jouer, mais à survivre à travers un miroir flatteur. La faille intérieure, non traitée, ne disparaît pas : elle se déplace dans le score, la performance, le besoin de réussir. Se questionner sur cette mécanique peut ouvrir une autre voie : celle d’un jeu qui ne masque plus, mais éclaire.

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