Psychologie

Certaines personnes attendent d’avoir épuisé toutes leurs ressources avant de demander un soutien. Elles préfèrent se débrouiller seules, même au prix d’un surmenage, d’une erreur ou d’un retard. Cette attitude est souvent interprétée comme une marque d’autonomie, de professionnalisme, voire de rigueur personnelle. Pourtant, elle peut traduire une forme de blocage relationnel, où demander revient à s’exposer, à prendre un risque affectif mal toléré. Ce n’est pas tant l’acte d’aide qui fait peur, que ce qu’il implique : dépendre, se montrer vulnérable, être perçu comme une charge.

Une indépendance apprise à défaut de soin

Dans certains parcours, demander a été inefficace, déceptif ou coûteux. Lorsqu’on a grandi avec des adultes peu disponibles, trop occupés ou peu sensibles aux besoins subtils, on apprend vite à se passer de l’autre. Le soin ne circule alors qu’à sens unique, ou de manière conditionnelle. La personne intériorise qu’il vaut mieux ne rien attendre, car attendre signifie s’exposer à la déception ou à l’humiliation. Ce rapport asymétrique au soin ne disparaît pas à l’âge adulte : il s’infiltre dans les relations de travail, où chaque demande devient une épreuve muette de légitimité.

Exemple : Émilie, en retrait face aux imprévus

Émilie, 32 ans, est responsable d’un service administratif. Compétente, fiable, elle prend sur elle la majorité des imprévus. Même lorsqu’elle est débordée, elle n’ose pas demander de renfort. “Je ne veux pas déranger”, dit-elle. Lors d’un arrêt maladie, elle gère ses mails depuis chez elle. En séance, elle évoque une enfance avec une mère seule, débordée, qu’elle ne voulait pas “surcharger”. Elle a appris à se taire, à anticiper, à protéger l’autre de ses propres besoins. Aujourd’hui, cette posture la pousse à se rendre invisible, à nier ses limites, à confondre autonomie et effacement.

Ce que la demande vient mettre en jeu

Demander implique d’admettre une forme de dépendance, de faire place à l’autre dans sa propre gestion. Pour certains, c’est un geste insoutenable, car il ravive la peur d’être jugé, abandonné ou ignoré. Ils préfèrent se taire plutôt que de risquer une réponse tiède ou une indisponibilité. Ce silence n’est pas de la fierté, mais une protection. Il évite la honte d’être perçu comme défaillant. Parfois aussi, il repose sur l’idée que les autres ont plus à porter, que ses besoins ne méritent pas d’être pris en compte. Cette croyance d’être “en trop” traverse alors toutes les interactions, même les plus banales.

Réhabiliter le droit de demander

Sortir de ce schéma ne suppose pas de se forcer à parler à tout prix, mais de reconnaître que demander n’est pas un vol, ni un abus, ni un aveu de faiblesse. C’est une forme de lien, une circulation d’attention qui ne disqualifie pas. Il devient alors possible de tester cette parole dans des espaces sécurisants, de formuler un besoin sans honte, d’accepter que l’aide puisse venir sans dette implicite. Ce déplacement ouvre la voie à une présence moins isolée, plus ajustée, où l’on peut compter sur soi… sans renoncer à compter sur les autres.

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