Psychologie

Il existe des jeux dans lesquels on cesse de « faire », mais où l’on reste, immobile, attentif, absorbé. Aucun objectif, aucune mission, aucun enjeu immédiat. Et pourtant, on ne quitte pas l’écran. On contemple un paysage, on écoute un souffle de vent, on laisse couler le temps. Cette suspension de l’action n’est pas une perte de temps : elle ouvre un espace psychique rare, où l’on peut enfin habiter l’instant. Ces jeux-là ne captent pas notre attention : ils nous la restituent.

Le jeu comme chambre de silence

Quand un jeu nous invite à rester sans jouer, il propose autre chose qu’une progression : il offre un rythme interne, un rapport au temps qui ne demande ni effort, ni réaction. C’est une forme d’expérience méditative qui ne dit pas son nom. Le monde ne pousse plus vers l’avant, il enveloppe. Le joueur n’est plus en train d’agir, mais d’exister dans un espace qui ne l’oppose à rien. Ce moment suspendu, loin de l’ennui, révèle une rareté contemporaine : le droit d’être sans produire.

La temporalité subjective restaurée

Dans le monde réel, le temps est souvent saturé : objectifs, échéances, interruptions constantes. Le jeu, ici, devient un contre-monde. Il recrée une temporalité longue, fluide, presque flottante, qui permet de renouer avec un vécu interne plus profond. On n’est plus pressé, on est là. Et cette simple présence ouvre la porte à une résonance affective subtile. Le temps suspendu devient un affect à part entière : il contient de la douceur, de la mélancolie, parfois même un début de réparation.

L’exemple de Damien, 40 ans

Damien revient régulièrement sur un jeu de promenade dans un paysage désertique. Il n’y a rien à faire, aucun danger, aucun but. Il s’y connecte, s’y promène un moment, puis reste assis dans un décor ocre. Il dit que “ce silence lui fait du bien, qu’il n’a rien à comprendre, ni à résoudre”. Dans sa vie professionnelle, Damien gère des urgences permanentes, des décisions rapides, des flux tendus. Le jeu est devenu pour lui un sas de décompression : un lieu où le temps ne commande plus. Ce qu’il y cherche, ce n’est pas une histoire, mais une sensation.

Rester, pour sentir autrement

Ces jeux suspendus ne sont pas passifs. Ils réactivent une capacité de présence, une qualité d’écoute intérieure qui se perd souvent dans l’action. En ne sollicitant pas, ils permettent l’émergence. En ne pressant pas, ils autorisent l’accueil. Ils sont rares, ces moments où l’on peut rester quelque part sans devoir y faire quelque chose. Et c’est précisément ce vide apparent qui devient plein d’une autre densité : celle d’un soi qui, enfin, n’est plus compressé par le temps.

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