Psychologie

Certains choix d’orientation paraissent logiques, presque évidents. On s’engage dans une filière familière, déjà connue, balisée par un aîné qui en a ouvert le chemin. Mais cette répétition, loin d’être anodine, peut révéler une dynamique inconsciente plus profonde : celle d’une identification protectrice, voire d’un effacement silencieux de son propre désir. En choisissant les mêmes études que son frère, on ne cherche pas seulement un modèle ou une sécurité. On tente parfois de maintenir un lien, de préserver une place dans la fratrie, ou d’éviter l’angoisse d’un écart qui serait vécu comme une trahison.

L’illusion d’un choix rationnel

Reproduire le parcours scolaire d’un frère aîné donne souvent lieu à un récit pragmatique : “ça me plaisait aussi”, “je connaissais déjà”, “c’était rassurant”. Mais derrière ces arguments raisonnables peut se cacher une difficulté à se penser séparément. Le grand frère incarne une forme d’idéal, de réussite ou de stabilité. Le suivre, c’est rester dans son sillage, éviter l’angoisse d’une invention de soi. Ce n’est pas toujours de l’admiration, parfois c’est une forme de loyauté affective : rester aligné pour ne pas être perçu comme déviant, pour ne pas perdre le lien, ou pour continuer d’exister dans le regard parental à travers le miroir du frère.

L’exemple de Hugo : suivre sans s’autoriser

Hugo, 22 ans, a intégré une école de commerce, comme son frère Thomas avant lui. Il ne s’y sent pas mal, mais quelque chose “ne colle pas tout à fait”. Il dit apprécier certains cours, mais sans enthousiasme, et il évite de penser à ce qu’il aurait choisi sans cette influence. En thérapie, il évoque une enfance marquée par une forte admiration mêlée de rivalité. Thomas avait toujours un temps d’avance, une reconnaissance naturelle. Reproduire son parcours est apparu comme une façon de s’en rapprocher, d’être “aussi bien que lui”. Mais Hugo découvre peu à peu que ce choix n’a pas été investi depuis son propre désir. Il n’a pas osé risquer autre chose. Ce n’est pas l’école qui l’étouffe, c’est l’ombre du frère qu’il n’a jamais vraiment quittée.

Le prix du mimétisme dans la construction de soi

Suivre un aîné peut rassurer, mais cela peut aussi freiner l’émergence d’un sentiment d’existence autonome. L’individu devient le reflet d’un autre, même s’il s’en défend. À long terme, cette confusion peut générer une insatisfaction difficile à nommer : un sentiment diffus d’inauthenticité, une absence d’élan, ou une difficulté à se projeter. Le choix d’études, loin d’être purement fonctionnel, devient alors une scène psychique où se rejoue la question : ai-je le droit de devenir autre chose que ce qu’on attendait de moi ? Et cette attente n’est pas toujours explicite. Elle est souvent internalisée, portée par le regard d’un parent, ou par un attachement fraternel qui n’a pas encore trouvé de juste distance.

Réintégrer la subjectivité dans le choix

Il ne s’agit pas de remettre en cause a posteriori un parcours engagé, mais d’en réinterroger la part choisie. Ce n’est pas le contenu des études qui importe, mais la manière dont on y est entré. S’autoriser à penser ce qui nous a conduit là, à différencier ce qui venait de nous et ce qui venait du lien, permet de réintroduire de la liberté psychique dans un choix figé. Il ne s’agit pas forcément de changer d’orientation, mais de reprendre la main sur une trajectoire initialement héritée. Car c’est dans ce mouvement d’appropriation que peut enfin émerger une position singulière, dégagée du mimétisme, mais encore traversée par ce qu’il a permis de contenir.

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