Psychologie

Parfois, le choix d’orientation semble aller de soi. Il s’inscrit dans la continuité d’un environnement familial, d’une admiration transmise, d’un récit générationnel. Mais ce qui paraît être une décision logique peut masquer une fidélité inconsciente à une attente jamais formulée. Le jeune homme ne choisit pas seulement une voie d’études : il perpétue un espoir, il restaure un manque, il répond à un rêve parental ancien. Il ne s’autorise pas à se demander ce qu’il désire vraiment, car ce qu’il incarne, dans le regard de l’autre, a déjà trop de poids.

L’orientation comme réponse à un vœu silencieux

Quand un père n’a pas pu faire d’études, ou qu’une mère a tout sacrifié pour permettre l’ascension sociale, le choix d’un cursus devient symboliquement chargé. Il ne s’agit plus seulement de se former, mais d’accomplir quelque chose pour eux. Cette charge n’est pas explicite, elle est souvent portée avec fierté, mais elle entrave parfois l’émergence du désir personnel. L’étudiant s’efface au profit d’un rôle : celui du fils exemplaire, de l’héritier réparateur. L’orientation devient un lieu de loyauté, et non de subjectivation.

L’exemple de Karim : honorer son père sans se trahir

Karim, 22 ans, suit une licence en économie. Il réussit bien, il est soutenu, valorisé. Mais il confie qu’il se sent étrangement vide, qu’il n’a “jamais pris le temps de se demander ce qu’il voulait vraiment”. Son père, ouvrier à la retraite, n’a jamais imposé, mais a toujours parlé avec fierté de ses enfants “qui feraient mieux”. Karim a intériorisé cette injonction discrète. Choisir l’économie, c’était choisir la voie sûre, utile, concrète. Ce n’était pas un désir, mais un hommage. Lorsqu’il ose évoquer sa passion pour la musique ou l’enseignement, il rougit, minimise. Ce n’est pas qu’il ne veut pas, c’est qu’il ne se croit pas autorisé. Il étudie pour réparer, pour justifier. Et dans ce mouvement, il s’oublie.

Quand la dette devient entrave

La dette symbolique agit en silence. Elle interdit la séparation, même lorsque l’âge ou les compétences le permettraient. Elle alimente une culpabilité latente : si je choisis autre chose, est-ce que je trahis ? Est-ce que je gâche ? Ce type de conflit psychique ne se résout pas par un changement de filière, mais par une mise en mot du lien. Reconnaître la dette, c’est déjà commencer à s’en dégager. Il est possible d’aimer ses parents, de reconnaître leur histoire, sans faire de ses études un monument à leur sacrifice.

Réconcilier fidélité et désir personnel

Ce qui libère, ce n’est pas de rompre avec la famille, mais de se réapproprier ce que l’on a reçu, en choisissant ce que l’on en fait. Le choix d’études peut alors devenir un lieu d’articulation : continuer une histoire, mais depuis soi. Cela suppose de transformer la dette en transmission, l’obéissance en reconnaissance. On ne renie pas en choisissant autrement : on devient adulte. Et parfois, c’est précisément ce que les parents espéraient sans pouvoir le dire.

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