Psychologie

Loin des impératifs du privé, certaines fonctions publiques permettent un rythme régulier, une charge de travail contenue, peu de pression directe. On y trouve ce que beaucoup recherchent : sécurité, équilibre, lisibilité. Mais chez certaines personnes, cette stabilité extérieure laisse progressivement place à un état de vide intérieur. Elles ne vont pas mal au sens aigu du terme, mais ne vont pas bien non plus. Une fatigue diffuse, une perte de goût, une impression de flottement s’installent, comme si l’absence de tension réveillait une faille plus ancienne, longtemps contenue.

Un calme qui ne contient plus rien

Dans certaines fonctions, les exigences sont faibles, la hiérarchie distante, le rythme modéré. Pour des personnes ayant toujours vécu dans des environnements chargés de tension ou d’urgence affective, ce calme devient déstabilisant. Ce qu’elles croyaient être un besoin de repos se transforme en désorientation : plus rien ne vient occuper la place intérieure. L’absence de pression ne libère pas, elle met à nu un vide que le travail ne vient plus masquer. Le rythme quotidien devient mécanique, l’identité professionnelle se délite. Ce n’est pas un conflit visible, mais un glissement insidieux vers un état de désaffection silencieuse.

Un exemple : Jérôme et l’érosion discrète

Jérôme, 42 ans, est agent administratif dans une structure publique. Il ne se plaint pas de son travail, mais s’y sent de moins en moins présent. Il accomplit ses tâches sans difficulté, mais rentre le soir vidé, sans pouvoir expliquer ce qui l’épuise. En séance, il évoque une enfance marquée par le surmenage affectif : des parents exigeants, des responsabilités précoces, une attention constante aux autres. Depuis toujours, l’activité soutenue lui permettait de ne pas penser, de tenir à distance certaines émotions. L’entrée dans la fonction publique, d’abord vécue comme une libération, a peu à peu révélé un vide qu’il ne parvient plus à remplir. Ce n’est pas le poste qui l’abîme, c’est le calme qu’il révèle.

La dépression masquée sous l’apparente stabilité

Dans ces situations, la dépression ne prend pas la forme d’un effondrement spectaculaire. Elle s’insinue dans le quotidien, sous les traits de l’indifférence, de la lassitude, de l’extinction du désir. Il devient difficile de penser l’avenir, de se projeter, même légèrement. Le cadre protecteur de la fonction publique, qui permet à certains de s’épanouir, devient ici un contenant trop vaste, trop vide, qui ne structure plus rien. La personne continue à fonctionner, mais n’habite plus vraiment sa place. Elle ne se plaint pas, ne dérange pas, mais s’éteint doucement dans une conformité sans couleur.

Redonner forme à ce qui s’éteint

Ce n’est pas la fonction publique qu’il faut remettre en question, mais le lien intime que chacun entretient avec son poste. Il s’agit de comprendre ce que l’on attendait inconsciemment du travail, et ce que son apaisement fait remonter. Pour certains, l’absence de pression laisse la place à des affects non digérés. La voie de sortie passe alors par un travail de subjectivation : retrouver une parole, un désir, un rythme propre. Ce n’est pas nécessairement un changement de poste qui est en jeu, mais un déplacement intérieur. C’est en réhabitants symboliquement leur place que ces personnes peuvent réactiver un sentiment d’existence plus vivant.

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