Psychologie

Certaines personnes n’arrivent pas à formuler ce qu’elles veulent faire de leur vie professionnelle. Non pas qu’elles ne le sachent pas, mais parce que le simple fait de nommer ce désir les expose à un vertige, une honte ou une inquiétude difficile à soutenir. Ce silence n’est pas un simple flou ou une timidité passagère : il trahit souvent une censure interne active, nourrie par la crainte que ce désir, s’il était exprimé, dérange, déçoive ou s’oppose trop violemment à l’image que les autres ont d’elles. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement un choix de carrière, mais la possibilité même d’habiter un espace à soi, délié des attentes implicites.

Une autocensure liée à la peur d’être “trop”

Dire ce que l’on veut suppose d’assumer que l’on veut. Cela implique une affirmation, une mise en tension avec le réel, et souvent une confrontation à l’altérité. Mais pour certain·es, cette affirmation est perçue comme menaçante. Vouloir vraiment, c’est parfois apparaître comme excessif, égoïste ou présomptueux. Le désir professionnel devient alors tabou, réduit à des formulations neutres, fonctionnelles, qui ne dérangent personne. Ce refoulement est souvent renforcé par un environnement familial ou scolaire qui valorise la conformité, la modestie ou le réalisme économique au détriment de l’élan subjectif.

Exemple : Aude, le silence autour d’un rêve trop intense

Aude, 29 ans, travaille dans une collectivité territoriale, un emploi stable qu’elle qualifie de “convenable”. Mais en séance, elle avoue qu’elle rêverait d’écrire des romans et de vivre de la fiction. Elle n’en a parlé à personne, pas même à ses proches. Elle a appris très jeune à ne pas être “trop ambitieuse”, à ne pas se faire remarquer. Le seul fait de nommer ce désir lui donne l’impression d’être ridicule ou prétentieuse. Elle ne s’interdit pas d’écrire, mais elle cloisonne cette activité dans un espace marginal, presque secret, comme si l’assumer pleinement menaçait l’équilibre de ses relations et de son image.

Le poids du désir dans le lien social

Le désir véritable a quelque chose de subversif. Il bouleverse les équilibres, remet en question les places établies. C’est pourquoi il est souvent dissimulé, recouvert de récits convenus, neutralisé sous des projets acceptables. Dire ce que l’on veut, c’est parfois risquer de ne plus être à sa place dans le groupe. Dans certaines familles ou cercles sociaux, vouloir autre chose, ailleurs, autrement, peut être vécu comme une trahison. Le sujet apprend alors à composer, à réduire son désir à une version édulcorée, plus facilement partageable. Mais cette adaptation permanente finit par éteindre la force motrice du projet.

Nommer pour commencer à exister

Il ne s’agit pas de tout dire à tout le monde, ni de se mettre en danger en exposant brutalement ses aspirations. Mais oser nommer pour soi ce que l’on veut vraiment est déjà un acte de déploiement intérieur. Le désir a besoin d’être entendu, même dans le secret d’un journal, d’une séance, d’une réflexion solitaire. C’est en le laissant prendre forme, même timidement, qu’il peut commencer à ouvrir une voie. Ce n’est pas tant la réalisation immédiate qui importe que la permission de penser ce que l’on veut, sans honte ni justification. Là où le désir peut se dire, quelque chose du sujet commence à respirer.

Trouver un psy