Se perdre pour se trouver : errance universitaire et quête de soi

Changer de filière, cumuler les années sans projet clair, passer d’une formation à l’autre. L’errance universitaire est souvent perçue comme un échec, un retard, une anomalie dans une trajectoire qui devrait être linéaire. Mais si cette période floue était aussi un passage nécessaire dans la construction de soi ? Et si, derrière les hésitations scolaires, se jouait un véritable travail intérieur ?
Une réponse à une injonction prématurée
Dès la fin du lycée, il est demandé aux jeunes de choisir une voie, parfois de s’y engager pour des années. Mais comment décider quand l’identité est encore en construction ? L’errance universitaire est souvent une manière de résister, sans le formuler, à cette injonction de se déterminer trop tôt. Ce n’est pas tant un manque de volonté qu’une tentative de se préserver : refuser de s’enfermer dans une filière choisie par défaut, ne pas trahir une intuition intérieure encore confuse. Se perdre, ici, c’est suspendre le moment du renoncement.
Derrière la désorientation, une exploration
Changer d’orientation, redoubler, arrêter : autant de gestes qui peuvent être lus comme des ratés. Mais ils traduisent parfois un désir profond de comprendre ce qui, en soi, ne veut pas encore s’aligner. L’université devient alors le théâtre d’une recherche : non pas d’un diplôme, mais d’une forme de cohérence entre le monde intérieur et les attentes extérieures. Cette exploration est souvent solitaire, douloureuse, peu reconnue. Elle n’est pas valorisée car elle ne produit pas de résultat visible. Et pourtant, c’est peut-être là que quelque chose se déplace réellement.
Une résistance silencieuse
L’errance universitaire est aussi une manière de résister aux assignations. Elle peut exprimer un refus de suivre la voie familiale, une peur de se confronter au monde adulte, ou une angoisse de perdre sa singularité dans un système normatif. Ces mouvements sont rarement verbalisés. Ils prennent la forme d’abandons, d’inscriptions sans suite, de bifurcations incomprises. Derrière ces gestes apparemment irrationnels, il y a parfois un soin de soi discret : une tentative de ne pas se laisser réduire à une case.
Réhabiliter le détour
Il est temps de penser autrement ces parcours. Ceux qui mettent plus de temps, qui passent par des voies obliques, qui cherchent sans trouver tout de suite. Ce ne sont pas des étudiants « en retard », ce sont souvent des sujets en travail. Le détour n’est pas une perte de temps : il est une maturation. C’est dans cette errance que se tissent des choix plus libres, plus habités. Se perdre, c’est parfois se donner la possibilité de se trouver ailleurs, autrement, à un rythme qui n’appartient qu’à soi.