Psychologie

Certaines erreurs d’orientation paraissent évidentes : une formation choisie “trop vite”, “sans conviction”, “par défaut”. Pourtant, lorsqu’on interroge ces trajectoires, on découvre parfois que la “mauvaise décision” n’est pas une faute, mais une permission déguisée : celle de pouvoir enfin bifurquer. L’erreur devient alors une scène psychique, où le sujet se donne, à travers l’échec, une autorisation qu’il ne pouvait s’offrir autrement. Ce qui semble une maladresse est parfois une stratégie inconsciente : échouer pour recommencer, et dans ce recommencement, enfin s’autoriser à être soi.

Choisir contre soi pour mieux s’éloigner

Certains choix d’études sont faits avec une précision étonnante… mais sans désir. Ils obéissent à des attentes parentales, à des injonctions sociales, à des fidélités invisibles. Dans ce contexte, se tromper peut devenir une échappatoire. L’erreur permet de sortir du cadre imposé sans affrontement direct. C’est une manière indirecte de dire non, sans avoir à formuler ce refus. Se tromper, c’est parfois le seul geste d’autonomie possible dans une configuration où s’opposer ouvertement serait trop coûteux. L’échec devient alors un passage obligé, non pour réussir ailleurs, mais pour exister autrement.

L’exemple de Chloé : la “mauvaise” année comme point d’appui

Chloé, 20 ans, s’est inscrite en droit après le bac, suivant la suggestion de ses parents. Très vite, elle se sent étrangère à cette formation. Elle s’ennuie, doute, se désengage. Elle redouble, puis abandonne. Autour d’elle, on parle de “gâchis”, d’“erreur de jeunesse”. Mais en entretien, elle évoque pour la première fois un rêve ancien : devenir illustratrice. Elle dit qu’elle n’a “jamais osé” en parler, parce qu’elle n’était “pas assez bonne” ou “pas assez sérieuse”. L’échec en droit lui a permis de s’effondrer sans être accusée de trahison. Ce n’est qu’après avoir raté qu’elle a pu commencer à parler. La mauvaise orientation n’était pas un détour, mais un passage obligé vers une parole plus vraie.

L’erreur comme désobéissance silencieuse

Dans les familles ou les milieux où le choix d’études est hautement chargé symboliquement, l’orientation peut devenir un terrain de lutte invisible. Il ne s’agit pas seulement de choisir un métier, mais de valider une image, de prolonger une lignée, ou de répondre à une attente non dite. Se tromper devient alors une manière de désobéir sans bruit. Ce n’est pas un acte revendiqué, c’est une manière de faire glisser doucement le récit familial hors de ses rails. Et cette désobéissance, lorsqu’elle est accueillie, peut permettre une élaboration : on ne se définit plus par opposition, mais depuis une position singulière enfin reconnue.

Recommencer comme acte de subjectivation

Il ne s’agit pas de célébrer l’échec, mais de le comprendre comme moment potentiellement fécond. L’erreur devient un point d’inflexion : non pas une faute à corriger, mais un espace de remaniement. Encore faut-il qu’elle soit écoutée, et non pathologisée. Car c’est dans ce geste de recommencer, dans ce mouvement vers un choix réapproprié, que le sujet peut commencer à se dire autrement. Ce n’est pas la réussite qui fonde l’orientation juste, c’est l’engagement qu’on y met. Et parfois, il faut d’abord tomber pour pouvoir enfin se relever à sa manière.

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