Psychologie

Poursuivre des études pendant des années peut sembler être le signe d’un goût prononcé pour la connaissance ou d’une volonté d’excellence. Mais chez certains, cette durée ne relève pas d’un projet clair, ni d’un désir affirmé, elle devient un espace refuge : une manière de différer une confrontation à la vie adulte, aux choix réels, à la séparation. L’université, dans ce cas, n’est pas seulement un lieu de formation. Elle devient un monde à part, une structure enveloppante où le sujet peut se maintenir dans un entre-deux supportable.

L’université comme zone de transition prolongée

L’université offre un cadre souple, relativement ouvert, peu contraignant. Elle autorise une forme de flottaison psychique, où l’on est encore étudiant, mais plus vraiment adolescent. Ce statut intermédiaire peut devenir rassurant pour ceux qui redoutent les implications d’une entrée dans la vie active : se positionner, affronter la réalité économique, s’exposer au regard du monde professionnel. Tant que l’on étudie, on n’a pas encore à prouver, ni à renoncer. L’étudiante ou l’étudiant peut alors rester dans un temps suspendu, où le désir n’a pas encore à s’incarner pleinement.

L’exemple de Marion : prolonger l’attente, éviter le saut

Marion, 28 ans, est en master de sociologie après plusieurs années de parcours discontinus : lettres, psychologie, puis sciences de l’éducation. Elle dit “aimer apprendre”, mais avoue aussi “se perdre un peu” dans les cursus. Elle vit encore chez sa mère, travaille par intermittence. En séance, elle évoque une peur floue : “qu’est-ce qui va se passer si j’arrête d’étudier ?” Derrière cette angoisse, on découvre une séparation jamais digérée : un père absent très tôt, une mère envahissante. Rester dans les études, c’est maintenir une forme de dépendance rassurante. L’université joue ici le rôle d’un contenant symbolique : elle prolonge une position d’attente, là où un passage serait vécu comme une mise en danger.

La peur de l’individuation comme moteur silencieux

L’entrée dans la vie professionnelle impose une forme de désillusion : fin de l’illimité, des possibles indéfinis, des identités flottantes. Elle suppose de renoncer à certaines choses pour en choisir d’autres. Or, pour les sujets qui ont grandi dans des configurations fusionnelles ou idéalisantes, ce choix peut apparaître comme une perte intolérable. Étudier longtemps permet alors de maintenir vivante l’idée d’un “plus tard” qui protégerait du réel. La durée devient un rempart contre le positionnement, contre l’angoisse de se séparer, de devenir adulte, donc potentiellement faillible.

Transformer le refuge en tremplin

Il ne s’agit pas de discréditer les parcours longs, mais d’en interroger le sens. Quand la durée n’est plus un choix, mais une fuite, elle mérite d’être pensée. Ce n’est qu’en acceptant de reconnaître la fonction défensive de l’université que l’on peut s’en dégager. Étudier peut rester une passion, à condition qu’elle ne soit pas une protection contre le lien au monde. Sortir de l’université, ce n’est pas trahir son amour du savoir, c’est parfois enfin le mettre en œuvre dans le réel, quitte à se confronter au vertige du manque, de la limite, et du devenir.

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