Psychologie

Choisir une grande école, intégrer une filière réputée, viser l’excellence… autant de décisions souvent perçues comme des marqueurs de réussite, de mérite, de légitimité sociale. Mais pour certain·es, l’attrait pour les études prestigieuses cache moins un désir personnel qu’un espoir de reconnaissance familiale. Ce n’est pas tant la formation qui attire que ce qu’elle promet symboliquement : un amour enfin mérité, une validation différée, une place dans le regard parental. Le prestige devient alors un langage muet adressé à une attente ancienne.

La réussite comme langage filial

On ne choisit pas toujours une voie prestigieuse parce qu’on s’y projette, mais parce qu’on s’y sent attendu. Certains parcours brillants sont le prolongement silencieux d’un vœu parental, d’un idéal familial jamais formulé mais massivement transmis. L’enfant ne veut pas seulement réussir : il veut combler, rassurer, réparer. Il s’identifie à une attente, souvent intériorisée très tôt, et investit l’école comme scène de cette loyauté invisible. Le prestige scolaire devient alors un vecteur affectif, un outil de négociation symbolique avec une figure parentale idéalisée ou absente.

L’exemple d’Anaïs : réussir pour exister vraiment

Anaïs, 21 ans, étudiante en classe préparatoire, enchaîne les performances. Elle dit avoir “toujours aimé apprendre”, mais parle de ses études sans émotion. Elle décrit un sentiment de vide après chaque réussite, une forme de déception inexpliquée. En thérapie, elle évoque un père exigeant, silencieux, souvent absent, qui réagissait à ses bulletins par un simple hochement de tête. Elle avoue : “je crois que je continue d’étudier pour qu’il me regarde vraiment un jour.” Le prestige, ici, n’est pas un objectif en soi, mais une stratégie d’amour. Elle se demande rarement si elle aime ce qu’elle fait, car la priorité a toujours été ailleurs : être reconnue, enfin.

Le prestige comme écran à la séparation

Ce qui se joue dans ces parcours n’est pas seulement une quête sociale, mais une lutte contre la séparation. Réussir brillamment, c’est parfois tenter de rester encore un peu dans le lien parental, sous une forme gratifiante. La filière prestigieuse fonctionne comme un totem protecteur : elle maintient une illusion d’alignement, elle évite le conflit, elle évacue la question du désir. Mais à mesure que le cursus avance, une fatigue morale s’installe, une perte de sens affleure. Le sujet, qui a confondu excellence et amour, se retrouve dans une impasse affective, où la réussite ne comble plus rien.

Redonner sa place au désir personnel

Il est possible de réussir sans s’oublier. Mais cela suppose une mise à distance progressive du fantasme parental. Nommer l’attente, reconnaître la stratégie inconsciente, permet de réintroduire une subjectivité dans un parcours trop habité. Ce n’est pas l’école qui est en cause, mais la fonction qu’on lui attribue. Quand on ne cherche plus à être aimé en réussissant, on peut commencer à réussir autrement — ou même choisir autre chose. Se libérer du prestige, ce n’est pas renoncer à l’ambition, c’est choisir une forme de réussite plus en lien avec soi.

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