Psychologie

S’intégrer dans une équipe est une composante essentielle de la vie professionnelle. Mais pour certaines personnes, cette insertion s’accompagne d’un dilemme latent : comment exister sans prendre trop de place ? Comment s’affirmer sans se heurter à l’autre ? Ce tiraillement entre fusion et retrait révèle souvent un rapport ambivalent à l’image de soi, façonné très tôt dans l’histoire du sujet, où le groupe représente à la fois un lieu de soutien et de menace. Le collectif devient alors un terrain sur lequel se rejouent des scénarios inconscients : peur d’être écrasée, crainte d’être rejetée, nécessité de plaire à tout prix ou difficulté à s’autoriser à apparaître.

Se fondre pour ne pas déranger

Dans certaines trajectoires, l’appartenance à un groupe est vécue comme conditionnelle. Il faut mériter sa place, ne pas faire de vagues, ne pas s’imposer. Cette attitude, souvent interprétée comme de la discrétion ou de la politesse, peut traduire une crainte plus profonde : celle de provoquer l’hostilité en s’affirmant. Le silence devient un outil d’intégration, mais il enferme. À force de se contenir pour préserver l’harmonie, la personne s’efface, ne se reconnaît plus, et développe un sentiment d’isolement intérieur malgré la présence du groupe. Exister passe alors par une stratégie d’adaptation qui aliène plus qu’elle ne protège.

Exemple : Élise, invisible mais indispensable

Élise, 39 ans, travaille dans un service administratif d’une grande structure publique. Elle est compétente, fiable, discrète. Tout le monde la considère comme une personne “de confiance”, mais peu de collègues sauraient décrire ce qu’elle pense ou ce qu’elle veut vraiment. En supervision, elle confie qu’elle a peur de dire non, peur de décevoir, peur que sa parole dérange. Son appartenance au groupe repose sur un contrat implicite : rester à sa place, ne pas perturber l’équilibre collectif. Mais ce positionnement l’épuise. Elle se sent oubliée, transparente, tout en sachant qu’elle entretient elle-même cette invisibilité.

La peur de l’hostilité fantasmée

Pour certaines personnes, affirmer une opinion, poser une limite ou revendiquer une compétence active une angoisse disproportionnée : comme si l’expression de soi réveillait le spectre d’un rejet ou d’une punition ancienne. Ce vécu prend souvent racine dans une histoire où le groupe — familial, scolaire ou amical — a été perçu comme intolérant à la différence. L’adulte réagit alors au présent avec des défenses construites dans l’enfance : rester neutre, adapter son discours, lisser ses émotions. Cette stratégie protège, mais elle fige. Le lien au groupe se fait au prix d’une forme de disparition subjective.

Vers une présence incarnée

Apprendre à exister dans le groupe sans se trahir suppose de renoncer à l’idéal de l’acceptation totale. Affirmer une position, c’est parfois accepter de ne pas être validée partout, tout le temps. C’est aussi faire confiance à la capacité du collectif à contenir le conflit, à supporter la nuance, à évoluer. Le travail sur l’image de soi passe par une réappropriation progressive de sa parole, de ses désaccords, de ses besoins. Il ne s’agit pas de prendre toute la place, mais de cesser de la céder par peur. C’est dans cet équilibre que l’appartenance cesse d’être une assignation et devient un lien vivant.

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