Psychologie

Reprendre une formation à l’âge adulte est souvent présenté comme un choix rationnel : développer ses compétences, changer de voie, s’adapter au monde du travail. Mais derrière cette motivation affichée se cache parfois une dynamique plus intime. Se former n’est pas toujours un simple projet professionnel : c’est aussi un mouvement existentiel, une tentative de reprendre la main sur une histoire intérieure restée inachevée. Le désir d’apprendre s’entrelace alors avec celui de réparer, de restaurer une continuité symbolique entre le passé, le présent et l’avenir.

Une seconde chance ou une première fois ?

Pour beaucoup, la reprise d’études ne vient pas combler un manque de savoir, mais un manque de reconnaissance. Elle réactive souvent un épisode plus ancien : un parcours scolaire interrompu, une orientation subie, une envie contrariée par les obligations familiales ou sociales. Ce qui se joue, ce n’est pas seulement l’accès à de nouvelles compétences, mais la possibilité de redevenir sujet de son propre récit. Le cadre de la formation devient un espace transitionnel, où le moi adulte essaie de réconcilier ce qu’il est devenu avec ce qu’il aurait pu être. On ne se forme pas uniquement pour l’avenir, mais pour réparer une image de soi abîmée dans le passé.

Une posture d’élève revisitée

S’inscrire dans un parcours formatif à l’âge adulte n’est pas neutre sur le plan psychique. Il faut accepter de ne pas savoir, de redevenir apprenant, de s’exposer à l’évaluation. Ce retour à une posture infantile peut être vécu de manière ambivalente : stimulant pour certains, humiliant ou menaçant pour d’autres. C’est un lieu de transfert, où le formateur peut apparaître comme une figure parentale, et le groupe d’apprenants comme une fratrie symbolique. Il s’y rejoue alors des enjeux de place, de loyauté, de rivalité. La formation devient une scène, et ce qui se transmet n’est pas seulement du contenu, mais une possibilité de se réinscrire dans une filiation symbolique apaisée.

L’exemple de Sophie : apprendre pour recoller les morceaux

Sophie, 41 ans, a décidé de suivre une formation pour devenir médiatrice familiale. Elle dit l’avoir toujours voulu, mais avoir “raté le bon moment”. Elle a travaillé dans l’administratif pendant près de vingt ans sans jamais s’y reconnaître pleinement. Ce retour à la formation l’a d’abord enthousiasmée, puis déstabilisée. Elle se surprend à douter, à chercher l’approbation de ses formateurs comme si elle jouait sa valeur personnelle à chaque devoir rendu. En séance, elle évoque son sentiment d’avoir été « la moins brillante » de ses frères et sœurs, celle qui n’avait pas fait d’études. Ce qu’elle cherche à travers cette formation, ce n’est pas seulement un nouveau métier : c’est un geste de réintégration symbolique, une tentative de recoller une image d’elle-même restée morcelée.

Réparer ou continuer : un équilibre subtil

Toutes les formations ne sont pas des réparations, mais toutes peuvent réveiller des résonances inconscientes. Il est parfois difficile de distinguer ce qui, dans ce désir de reprise, relève d’un élan vers l’avenir ou d’un besoin de cicatriser le passé. Or ces deux mouvements peuvent cohabiter, sans s’exclure. Le danger survient lorsque la formation devient une scène de réassurance permanente, une quête de réparation sans fin. À l’inverse, reconnaître cette dimension plus profonde peut enrichir le processus d’apprentissage et lui donner une portée symbolique plus vaste : non plus seulement acquérir un savoir, mais retrouver une cohérence intérieure.

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