Se former pour se sentir légitime : reconnaissance ou défense contre l’imposture ?

Il arrive que des professionnels aguerris, déjà compétents dans leur domaine, choisissent de suivre une formation qui ne leur apporte pas vraiment de nouveau savoir. Ce geste surprend de l’extérieur, mais répond souvent à une nécessité intérieure : obtenir une reconnaissance symbolique qui vient confirmer, sécuriser ou valider ce qui, en eux, reste vécu comme fragile ou illégitime. Plus qu’un besoin d’apprendre, c’est parfois un besoin d’être autorisé à savoir, de manière visible et formelle.
Une compétence vécue comme suspecte
Certains parcours sont marqués par l’empirisme, l’apprentissage sur le tas, les détours. Ces chemins forgent des savoirs solides, mais sans validation extérieure. Le sujet peut alors se sentir en décalage : compétent en pratique, mais illégitime en posture. Ce n’est pas qu’il doute de ses capacités, mais il craint de ne pas être « crédible », de ne pas pouvoir répondre à l’exigence sociale de la preuve. La formation devient alors un certificat d’existence professionnelle. Non pas pour apprendre, mais pour s’autoriser à occuper une place déjà investie.
Lutte contre le syndrome d’imposture
Ce qui se joue ici relève souvent d’un conflit plus ancien. Certains sujets ne parviennent pas à s’approprier leur savoir sans une validation extérieure. Ce n’est pas un besoin de reconnaissance sociale au sens strict, mais une manière de sécuriser une valeur interne encore incertaine. La formation sert alors à poser un cadre symbolique autour d’un savoir intérieur flou ou culpabilisé. C’est un rempart contre le sentiment d’imposture, contre la peur d’être dévoilé comme illégitime, même en l’absence de toute erreur.
L’exemple de Nicolas : prouver ce qu’il sait déjà
Nicolas, 40 ans, exerce depuis dix ans comme consultant indépendant. Il a construit sa pratique au fil de l’expérience, des lectures, des accompagnements. Mais il décide de suivre une formation diplômante, sans réel apport nouveau, « pour être tranquille », dit-il. Lorsqu’il s’interroge, il parle d’un manque de légitimité persistant, d’un sentiment de jouer un rôle. Il a grandi dans un milieu où l’on valorisait les titres, les cursus linéaires. Ce qu’il cherche à travers cette certification, ce n’est pas un savoir supplémentaire, mais un droit symbolique à occuper sa place. La formation devient un objet transitionnel entre le doute et l’autorisation.
Valider pour se l’autoriser
Se former pour légitimer ce que l’on sait déjà n’est pas un acte inutile. Il révèle une tension entre ce qui est intégré et ce qui est reconnu, entre ce que l’on sait intuitivement et ce que l’on ose porter devant les autres. Ce geste, en apparence redondant, est souvent le signe d’un ajustement identitaire silencieux : poser une forme extérieure là où la valeur interne n’a pas encore trouvé d’appui. C’est une manière de se dire, sans toujours l’avouer : « J’ai le droit d’être là, et je veux pouvoir y croire. »