Psychologie

Il arrive que des personnes s’inscrivent à de nombreuses formations sans jamais les concrétiser professionnellement. Elles apprennent, explorent, s’enthousiasment… mais ne franchissent jamais le seuil de l’application réelle. Ce phénomène, loin d’être rare, peut traduire un évitement inconscient : celui de la mise en jeu de soi dans le monde. L’apprentissage devient alors un refuge, une boucle sécurisante qui maintient à distance la confrontation avec le réel et ses enjeux.

L’apprentissage comme espace protégé

Se former, c’est rester dans une position connue et relativement passive. Tant que l’on apprend, on ne risque pas d’échouer. La formation devient une scène d’expérimentation mentale, mais sans les conséquences émotionnelles de l’engagement. C’est un territoire psychique où la pensée peut circuler librement, sans mise à l’épreuve de la réalité. Pour certains, ce lieu intermédiaire permet de rester en mouvement tout en évitant l’exposition. L’accumulation de savoirs sert alors à combler un vide intérieur, à nourrir une illusion de maîtrise qui masque une peur de passage à l’acte.

Peur d’agir, peur de perdre

Derrière cette accumulation, se cache souvent une angoisse silencieuse : celle de s’engager pour de vrai. Mettre en œuvre une formation, c’est renoncer à toutes les autres, faire un choix, s’identifier. Cela suppose aussi d’assumer une image professionnelle, de s’exposer à l’évaluation, au jugement, à l’échec. Beaucoup préfèrent rester dans le fantasme d’un avenir ouvert, sans jamais confronter ce qu’il en est de leur désir réel. L’inaction devient alors une stratégie de préservation narcissique : tant que je ne me lance pas, je ne me déçois pas.

L’exemple de Mathieu : former sans incarner

Mathieu, 38 ans, a suivi six formations en cinq ans : coaching, photographie, sophrologie, communication non violente, design UX, écriture. À chaque fois, il commence avec enthousiasme, va jusqu’au bout, puis passe à autre chose. Lorsqu’il en parle, il évoque un besoin de stimulation, mais aussi une incapacité à se “mettre en avant”. Il dit craindre d’être “démasqué” s’il exerçait pour de vrai. Ce qu’il cherche à travers l’apprentissage, c’est une forme de valeur interne. Mais sans passage à l’acte, cette valeur reste théorique. Il découvre progressivement que ce n’est pas le contenu des formations qui le freine, mais la crainte de se confronter à un manque plus profond : celui de la reconnaissance directe.

Sortir de la boucle sans se trahir

Accumuler les formations n’est pas en soi un problème. Ce qui interroge, c’est le sentiment d’inachevé, d’empêchement, voire de honte silencieuse. Pour passer à l’action, il faut parfois accepter d’abandonner l’idéal de complétude et de certitude. Agir, c’est risquer de ne pas être à la hauteur, mais c’est aussi se rencontrer autrement. Reconnaître que l’accumulation peut être une défense, c’est commencer à desserrer l’étau. Non pour rejeter l’apprentissage, mais pour en faire un tremplin vers la réalité, au lieu d’un abri contre elle.

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