Psychologie

Dans certains parcours professionnels, l’activité ne s’interrompt jamais. Les projets s’enchaînent, les réunions débordent, les journées s’étirent sans fin. Ce rythme effréné est souvent perçu comme une preuve de dynamisme, de motivation, voire de passion. Mais chez certaines personnes, cette course permanente traduit moins un élan vital qu’une peur de s’arrêter, de ralentir, de se retrouver face à soi. L’hyperactivité n’est pas toujours un choix, elle devient parfois un mécanisme de défense, une manière d’éviter un vide intérieur difficile à habiter.

Faire pour ne pas sentir

Lorsque le travail remplit tout l’espace psychique, il laisse peu de place à l’introspection. Produire en continu permet de maintenir à distance une sensation d’inutilité ou d’inexistence, qui surgit dès que l’activité se suspend. Ce fonctionnement prend racine dans des expériences précoces de non-reconnaissance, d’effacement ou d’insécurité affective. Le sujet a appris que sa valeur tenait à ce qu’il faisait, jamais à ce qu’il était. Il devient alors incapable de rester inactif sans culpabilité, comme si le repos était une trahison de son droit à l’existence.

Exemple : Mathieu, le vertige du temps vide

Mathieu, 38 ans, dirige une start-up en croissance. Il gère plusieurs équipes, répond à ses mails jusqu’à minuit, s’implique dans des projets externes. Il dit aimer ça, mais admet qu’il ne supporte pas les week-ends calmes ou les soirées sans tâche prévue. En séance, il parle d’un père dépressif et d’une mère “toujours débordée”. Depuis l’adolescence, Mathieu s’est identifié à la performance pour échapper à la tristesse ambiante. Produire l’empêche de sombrer, de sentir ce qu’il nomme parfois comme “un trou noir”. Sa productivité est une réponse à une angoisse sourde, jamais symbolisée.

Le piège de l’hyperfonctionnement

À long terme, cette fuite dans le faire épuise. Le corps lâche, la pensée se rigidifie, le lien aux autres se délite. L’hyperactivité, qui donne d’abord l’illusion d’un pouvoir sur soi et sur le monde, finit par isoler et vider. Chaque moment sans production devient anxiogène, et le sujet ne sait plus comment exister autrement. La dépendance au mouvement permanent empêche toute élaboration intérieure. Ce n’est pas un excès de vie, mais une défense contre le vide. Tant que le faire supplante l’être, la fragilité narcissique reste intacte, dissimulée derrière une performance sans fin.

Réapprendre à s’arrêter

Rompre avec cette dynamique suppose un travail progressif de différenciation : accepter que l’on peut être sans faire, que la valeur personnelle ne dépend pas de la production continue. Cela passe par la reconnaissance d’un manque originaire, d’un besoin de validation jamais comblé, et par l’apprentissage d’un autre rapport au temps. Se reposer devient alors un acte de courage, non une faiblesse. C’est dans ces espaces suspendus que peut réapparaître une présence à soi plus apaisée, plus ancrée, dégagée de la nécessité constante de prouver sa légitimité par l’action.

Trouver un psy