Psychologie

L’intelligence artificielle est souvent perçue comme un outil pratique, rapide et fiable. Mais au-delà de ses performances techniques, elle suscite parfois une préférence émotionnelle surprenante : certaines personnes se sentent plus à l’aise avec une machine qu’avec un collègue humain. Ce choix, en apparence rationnel, repose souvent sur des mécanismes inconscients profonds : la recherche d’un lien sans affect, sans conflit, sans risque de déception. Face à une relation humaine potentiellement mouvante, incertaine ou exigeante, la machine offre une relation unilatérale, silencieuse et sécurisante.

Éviter la confrontation en choisissant la neutralité

Travailler avec un collègue implique une interaction, une co-présence, des ajustements permanents. Il faut composer avec les humeurs, les malentendus, les désaccords, mais aussi avec la peur d’être jugé, comparé, mis en défaut. La machine, en revanche, ne regarde pas, ne réagit pas, ne rivalise pas. Elle est là pour exécuter, sans retour, sans enjeu narcissique. Ce confort relationnel apparent permet de fonctionner en dehors du lien, ou du moins, dans un lien désaffectivé. Pour certaines personnes, ce type de rapport devient préférable à toute forme de cohabitation humaine, trop chargée de tension implicite ou de souvenirs relationnels douloureux.

L’exemple d’Inès : mieux avec l’outil qu’avec l’autre

Inès, 35 ans, travaille dans la gestion de contenu pour une plateforme numérique. Depuis l’introduction d’une IA dans son flux de travail, elle s’est progressivement éloignée de ses collègues. Elle préfère poser une question à l’outil plutôt qu’à une personne, quitte à ce que ce soit moins précis. Elle dit apprécier le fait de “ne pas avoir à se justifier, ni à faire semblant d’aller bien”. Lorsqu’elle tente de réintégrer une forme de coopération humaine, elle ressent une gêne, une appréhension. Elle évoque un passé professionnel marqué par la compétition silencieuse, les rivalités féminines, les malentendus jamais clarifiés. La machine devient pour elle un espace de respiration, sans enjeu de place, sans angoisse de comparaison. Elle ne cherche pas l’objectivité de l’outil, mais l’absence de menace relationnelle.

Un lien qui soulage mais qui isole

Ce choix de la machine comme partenaire professionnel crée une illusion d’autonomie, mais il s’accompagne d’un appauvrissement progressif du lien. On ne se sent plus exposé, mais on ne se sent plus nourri non plus. Le rapport devient fonctionnel, désengagé, sans surprise. À long terme, cette préférence peut renforcer un isolement psychique : on devient seul à côté des autres, protégé mais sans réciprocité. Ce n’est plus un travail partagé, mais un environnement cloisonné, neutralisé. L’IA permet de se préserver, mais elle ne permet pas d’être en lien. La sécurité qu’elle offre se paie du prix d’une perte de vitalité relationnelle.

Retrouver une confiance supportable dans la relation

La solution n’est pas de rejeter l’outil, mais de réinterroger ce qui rend la relation humaine si coûteuse. Que redoute-t-on réellement dans l’interaction ? Quelles blessures anciennes la machine permet-elle d’éviter ? Revenir au lien, même fragile, même imparfait, c’est accepter de ne pas tout contrôler, mais de se laisser affecter. C’est aussi reconnaître que la relation, pour être vivante, suppose une part de trouble, de doute, de dialogue. La machine soulage, mais elle n’entend pas. Et ce silence, parfois rassurant, finit par faire taire aussi la possibilité d’une rencontre.

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