Psychologie

Certains jeux vidéo, par leur rythme, leur complexité et leur intensité sensorielle, semblent conçus pour mobiliser l’attention en continu. Combats nerveux, gestion multi-tâches, graphismes saturés, sons envahissants : le joueur n’a pas une seconde pour décrocher. Si cette sollicitation permanente est parfois vécue comme stimulante ou immersive, elle peut aussi répondre à une logique défensive plus profonde. Saturer son attention devient alors un moyen de ne pas penser, de ne pas ressentir, de suspendre une angoisse qui menace dès que le silence revient.

L’attention comme écran contre l’émotion

L’angoisse ne survient pas toujours dans l’action, mais dans les vides : les pauses, les ralentissements, les interstices de la pensée. En remplissant tous les espaces mentaux par un flot continu de stimuli, le jeu empêche la remontée de ce qui dérange. Ce n’est pas l’intensité qui est recherchée pour elle-même, mais l’occupation totale du champ psychique. Le joueur fuit le vide plus qu’il ne cherche le plaisir. Il se protège ainsi d’un débordement affectif qu’il ne pourrait pas contenir.

Le plaisir de la surcharge contrôlée

Dans ces jeux hyper-sollicitants, le joueur vit une forme de saturation douce, mais maîtrisée. Il accepte d’être envahi parce qu’il en garde les rênes, parce qu’il peut toujours couper, relancer, recommencer. Cette maîtrise atténue la violence sensorielle, la rend acceptable, presque apaisante. Le cerveau est mobilisé, mais le cœur reste protégé. Le jeu devient un compromis entre activation et anesthésie : ça bouge beaucoup, mais à l’intérieur, tout reste figé. L’agitation camoufle l’évitement.

L’exemple de Malik, 40 ans

Malik joue quotidiennement à un battle royale en ligne, casque vissé sur les oreilles, les yeux rivés à l’écran. Il enchaîne les parties pendant des heures, souvent tard le soir. Il explique qu’en jouant, “plus rien ne peut entrer”, que c’est “le seul moment où ça se tait à l’intérieur”. Malik ne supporte plus les temps morts, les trajets en voiture sans musique, les soirées sans bruit. Depuis la perte soudaine de son frère, il dit avoir l’impression qu’un vide l’attend à chaque coin de silence. Le jeu l’empêche de tomber dedans.

Une défense efficace… jusqu’à l’épuisement

Saturer son attention peut fonctionner comme un pansement provisoire, un verrou temporaire contre l’effondrement. Mais cette stratégie défensive a un coût : fatigue, désinvestissement de soi, perte de contact émotionnel. À force d’occuper chaque recoin de son attention, on finit par se couper de ce qui demande à être entendu. Le jeu n’est plus un terrain d’expression, mais un mur entre soi et soi. En interrogeant ce besoin de bruit mental, on peut parfois rouvrir un espace intérieur plus habitable, moins violent que le silence absolu.

Trouver un psy