Psychologie

Certains jeux proposent une infinité de quêtes, de niveaux, de mondes à explorer. D’autres joueurs, pourtant, se contentent de rejouer sans cesse le même passage, la même carte, la même partie. Ce comportement peut sembler étrange ou répétitif, mais il n’a rien d’anodin. Il traduit souvent un besoin inconscient de fixer l’attention, de maîtriser un espace restreint pour éviter la dispersion psychique. Rejouer, c’est parfois s’offrir un abri cognitif contre le tumulte intérieur, un refuge là où tout est connu, balisé, sous contrôle.

Le soulagement de l’automatisme

Rejouer la même séquence permet de désactiver partiellement la pensée. Les gestes sont appris, la logique est connue, les surprises absentes. Ce que l’on cherche alors, ce n’est plus la stimulation mais l’automatisme apaisant d’une action répétée. Loin de l’excitation de la nouveauté, la répétition devient un mécanisme d’endormissement du mental, un moyen de suspendre provisoirement la pensée réflexive. Le jeu cesse d’être un défi pour devenir un rituel, où l’effort est minimisé et où l’environnement ne confronte plus à l’inconnu.

Une manière de se couper du monde

Derrière la répétition ludique se cache parfois un désir plus profond d’isolement. En s’enfermant dans une boucle, le joueur crée un cocon psychique, où aucune émotion nouvelle ne risque d’émerger. Cette répétition devient un rempart contre l’angoisse, l’incertitude ou même la tristesse. Elle occupe l’espace intérieur, elle l’étouffe sans l’irriter. Ce n’est pas la difficulté que l’on fuit, mais la présence au monde. Dans une période où la pensée devient douloureuse ou invasive, la répétition vidéoludique permet de s’absenter en silence, sans avoir besoin de le dire.

L’exemple d’Antoine, 42 ans

Antoine joue depuis des années à un jeu de stratégie en solo. Il relance la même carte, avec les mêmes paramètres, chaque soir, sans chercher à aller plus loin. Il dit apprécier “le calme que ça procure” et “le fait de ne pas avoir à réfléchir”. Dans la vie réelle, Antoine traverse une période d’incertitude professionnelle, marquée par des conflits larvés et un sentiment d’impuissance. Rejouer la même partie n’est pas pour lui un moyen de progresser, mais une façon de stabiliser une zone mentale face à un quotidien chaotique. Ce rituel l’ancre, même artificiellement.

Quand la répétition masque une fuite

Rejouer encore et encore n’est pas forcément problématique. Cela peut être un moyen temporaire de se contenir, de réguler une surcharge interne. Mais lorsque ce mécanisme devient exclusif, rigide, il signale souvent une défense contre une pensée devenue menaçante. Le joueur n’avance plus, non parce qu’il ne veut pas, mais parce qu’il ne peut pas encore affronter ce que la nouveauté déclenche en lui. La répétition devient alors une anesthésie douce, une forme d’oubli actif, où l’on renonce à explorer pour ne pas se rencontrer.

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