Psychologie

Dans les jeux vidéo à plusieurs, les interactions sont intenses, réactives, parfois euphoriques. On rit, on collabore, on s’organise, on gagne ou on perd ensemble. Mais ces liens ludiques ne sont pas toujours synonymes d’intimité réelle. Pour certains, jouer en ligne permet de créer du lien tout en se protégeant de l’exposition personnelle. On est ensemble, mais derrière un écran ; proche, mais sans se dire. Une sociabilité précieuse, mais souvent bâtie sur une mise à distance affective soigneusement maîtrisée.

Une présence sans risque

Le jeu collectif offre une forme de proximité rassurante : chacun a un rôle, une fonction, un objectif commun. La dynamique du groupe se fonde sur l’action, non sur la parole ou l’émotion. Cette configuration permet d’exister avec les autres sans avoir à s’expliquer, se raconter, se rendre vulnérable. On participe, on interagit, mais sans jamais vraiment se montrer. C’est une relation encadrée, ritualisée, où l’on peut rester masqué tout en étant inclus. Pour des personnes qui redoutent l’intimité directe, cette forme de lien est une solution intermédiaire rassurante.

Le lien comme écran à la solitude

Ces interactions peuvent soulager une solitude profonde, sans pour autant créer de lien durable. On est entouré, mais pas vu ; engagé, mais pas reconnu dans sa singularité. Le jeu devient alors un espace tampon : assez proche pour ne pas se sentir seul, mais assez éloigné pour ne pas risquer d’être blessé. Cette position intermédiaire, entre lien et retrait, est parfois la seule supportable pour des personnes qui ont été exposées à des expériences relationnelles instables ou intrusives. Le plaisir du jeu tient alors autant à la collaboration qu’à l’absence d’exposition subjective.

L’exemple de Camille, 33 ans

Camille joue presque chaque soir avec un groupe régulier dans un jeu de coopération tactique. Elle se sent bien avec eux, mais ne parle jamais de sa vie. Elle dit que “c’est la seule forme de relation qui ne fatigue pas”, et qu’elle aime “que tout soit centré sur l’action”. Dans sa vie personnelle, Camille se sent vite envahie quand une relation devient trop intime. Elle a souvent pris la place de confidente sans jamais oser exprimer ce qu’elle, elle ressentait. Le jeu lui permet de vivre une forme de lien qu’elle contrôle : sans contact direct, sans corps, sans histoire à partager. Ce cadre lui apporte un sentiment de sécurité relationnelle rare.

Une proximité qui mérite d’être entendue

Ce mode de relation n’est ni faux ni pauvre. Il peut être précieux, réparateur, stable. Mais il peut aussi masquer une difficulté plus ancienne à s’exposer, à être vu dans sa vérité, à supporter l’altérité réelle. Lorsque ce lien devient la seule forme de relation supportable, il peut figer un évitement. Reconnaître ce que ce lien apporte – et ce qu’il protège – permet de mieux comprendre où se loge la peur, et ce qui pourrait un jour s’ouvrir au-delà du jeu. Entre plaisir coopératif et refus de vulnérabilité, le jeu révèle parfois des besoins de lien que la vie réelle a trop souvent rendus périlleux.

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