Psychologie

Dans le monde virtuel, il est fréquent de croiser des joueurs qui incarnent un avatar d’un autre genre que le leur. Si ce glissement peut n’être qu’un jeu, une simple curiosité ou une stratégie d’interaction, il arrive aussi qu’il révèle un questionnement plus profond. Le choix répété d’un personnage d’un autre genre, l’attachement particulier qu’il suscite, la sensation d’y être « plus soi » qu’ailleurs, peuvent signaler un déplacement psychique significatif. Ce n’est pas tant une volonté consciente de transition que l’émergence, à travers le jeu, d’une partie de soi encore méconnue, réprimée ou tenue à distance.

Un espace d’expérimentation silencieuse

Le jeu vidéo permet ce que la vie réelle interdit souvent : l’essai, le flou, le provisoire. Incarner un autre genre virtuellement offre une mise à l’épreuve sans conséquences visibles. Aucun coming out, aucun regard familial, aucun risque social. Le joueur peut s’aventurer dans une posture nouvelle, modifier son allure, sa voix écrite, sa gestuelle. Il ne s’agit pas forcément d’un désir de devenir l’autre, mais d’un besoin de l’éprouver de l’intérieur, d’en habiter les contours, d’en ressentir l’effet miroir. Cette liberté peut apaiser un conflit intérieur, ou au contraire le rendre plus perceptible.

Ce que le choix répété indique

Lorsque ce choix de genre opposé devient systématique, voire exclusif, il ne peut plus être lu comme un simple artifice ludique. Il devient alors le symptôme d’un déplacement profond, d’une tension identitaire encore inconsciente. Le personnage de l’autre sexe n’est plus un déguisement, mais une tentative de contact avec un soi oublié, marginalisé ou interdit. Dans certains cas, cette exploration peut accompagner une prise de conscience progressive, dans d’autres, elle reste cantonnée à l’univers du jeu, comme un compromis entre désir et refoulement.

L’exemple de Thomas, 40 ans

Thomas a toujours joué des personnages féminins, depuis ses débuts sur les RPG. Il explique qu’il les trouve « plus fluides, plus subtils », et qu’il s’y sent immédiatement à l’aise. Avec eux, il se sent libre d’adopter des postures plus douces, plus sensibles, qu’il n’assume pas dans sa vie réelle. Thomas a grandi dans un environnement masculin très normatif, où toute fragilité était perçue comme une faiblesse. Il ne s’identifie pas comme transgenre, mais reconnaît qu’à travers ses avatars, il exprime une part de lui-même longtemps réprimée. Ces personnages féminins ne sont pas une fiction, mais une voix qu’il ne s’était jamais autorisé à écouter.

Une parole muette du corps interne

Le jeu agit ici comme un terrain d’accueil silencieux pour des identités psychiques qui n’ont pas encore de place dans le réel. L’avatar devient un messager, un porte-corps, une figuration d’un soi plus vaste que celui que le quotidien autorise. Tester un autre genre, ce n’est pas toujours vouloir changer de sexe : c’est parfois vouloir réintégrer une part de soi interdite, sensible, douce, passive ou fluide. Le monde numérique autorise cette cohabitation, là où le monde réel reste souvent trop binaire. Ce que l’on joue dit alors, à demi-mot, ce que l’on ne sait pas encore se dire pleinement.

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