Psychologie

Chiffres à atteindre, résultats à livrer, échéances à tenir : dans la plupart des entreprises, les objectifs structurent l’activité. Ils sont censés motiver, orienter, dynamiser. Mais derrière cette logique apparente de performance, une autre réalité s’installe souvent : celle d’une pression sourde, qui pousse à dépasser ses limites sans toujours savoir pourquoi.

Ce que les objectifs activent psychiquement

Travailler avec des objectifs n’est pas en soi problématique. Ce qui l’est, c’est la charge symbolique qu’ils portent. Certains les vivent comme des repères clairs, d’autres comme une menace implicite. Cela dépend moins de la nature des objectifs que de leur inscription dans le psychisme : pour certaines personnes, ne pas atteindre un chiffre déclenche honte, angoisse ou sentiment d’échec profond. On n’évalue plus une action, mais sa propre valeur. Ce glissement du professionnel au personnel installe une tension chronique, souvent banalisée.

La stimulation peut masquer l’épuisement

Les objectifs peuvent créer un élan, un cadre motivant, une saine émulation. Mais ils peuvent aussi entretenir une forme de dépendance à l’intensité. On se sent “vivant” parce qu’on est dans l’urgence, dans l’effort, dans le sprint. C’est cette stimulation qui, à long terme, épuise. Car elle repose rarement sur un désir interne, mais sur une excitation défensive, qui empêche d’écouter la fatigue ou le désaccord intérieur. Le stress devient une norme, et le ralentissement une faute. Jusqu’au moment où le corps lâche, ou où l’envie disparaît totalement.

L’exemple de Julien, 41 ans

Julien est cadre dans une entreprise de transport. Très performant, il a toujours dépassé ses objectifs. Mais depuis quelques mois, il se sent vidé, sans énergie, presque absent à lui-même. Lorsqu’il consulte, il évoque une perte de sens. Les chiffres ne le nourrissent plus. Il réalise alors que sa quête de résultats masquait un besoin ancien d’être reconnu, dans une famille où seuls les résultats scolaires comptaient. Le stress était devenu un mode de lien, un moyen d’exister dans le regard des autres. Ce dévoilement a été le début d’un ralentissement choisi, où il commence à retrouver une motivation plus intime.

Motivation ou conditionnement ?

Il est essentiel de distinguer la motivation réelle d’un conditionnement intérieur. Ce n’est pas parce qu’on agit avec force que l’élan est libre. Beaucoup obéissent à des injonctions internes, transmises très tôt, qui associent valeur et performance. Les objectifs extérieurs viennent alors épouser ces voix anciennes, rendant la pression quasi invisible. Prendre du recul, c’est interroger : est-ce que je veux vraiment atteindre cela ? Pour qui ? Dans quel but ? Cette lucidité peut faire naître une autre forme d’engagement, moins liée au devoir, plus proche d’un mouvement vital.

Une autre manière de viser juste

Les objectifs ne sont pas à rejeter en bloc. Mais ils doivent rester des outils, et non des maîtres. Lorsqu’ils deviennent un absolu, ils déforment la relation à soi, aux autres, au travail. Rétablir un rapport plus souple implique souvent un déplacement intérieur : reconnaître ses limites sans honte, renoncer à la perfection, réintroduire du sens. Il ne s’agit plus de se prouver quelque chose, mais d’agir en cohérence. Là, la motivation renaît, non comme tension, mais comme mouvement juste.

Trouver un psy