Psychologie

Ces dernières années, de nombreuses entreprises ont mis en place des groupes de parole pour offrir aux salariés un espace d’expression plus libre. La promesse est séduisante : permettre à chacun de partager ses ressentis, de déposer sa charge émotionnelle, de renforcer les liens d’équipe. Mais ces dispositifs, bien que porteurs, ne sont pas sans effets secondaires. Car parler dans un cadre semi-public, à la frontière du professionnel et de l’intime, ne va jamais de soi. Le groupe de parole, selon son animation, sa temporalité et les attentes implicites qu’il véhicule, peut aussi renforcer certaines tensions ou assigner des places inconfortables.

Un espace potentiellement réparateur

Lorsque le cadre est bien posé, avec une sécurité symbolique suffisante, le groupe de parole peut jouer un rôle profond. Il rend visible ce qui circulait en silence, il nomme sans accuser, il autorise un “je” plus incarné dans le collectif. Entendre un collègue exprimer une fatigue, une colère ou une hésitation peut produire une forme de soulagement partagé : chacun se sent moins seul. L’effet principal, lorsqu’il fonctionne, n’est pas la résolution des problèmes, mais le réajustement du climat psychique. On respire différemment après, même si rien n’a changé en surface.

Exemple : François, pris dans un trop plein d’exposition

François, 52 ans, participe depuis plusieurs mois à un groupe de parole mis en place dans sa direction. Lors de la première séance, il se sent écouté, presque soulagé d’oser dire ce qui l’habite depuis des semaines. Mais à la deuxième rencontre, il découvre que certains collègues semblent gênés, plus froids, comme s’il avait “trop dit”. Il confie en séance : “Je croyais que ça libérait. En fait, j’ai l’impression d’avoir déplacé la gêne ailleurs.” Ce qui l’avait allégé le rend soudain plus exposé. Il comprend que, dans son environnement, la parole vraie peut aussi isoler.

Les risques d’un espace mal encadré

Un groupe de parole peut aussi cristalliser des affects latents. Sans animation rigoureuse, il devient un lieu de déversement ou de comparaison affective. Ceux qui parlent beaucoup peuvent dominer l’espace ; ceux qui gardent leurs silences peuvent être perçus comme distants ou hautains. Parfois, une parole dite avec sincérité est reprise plus tard sur un autre registre, dans un conflit ou une rumeur. Ce qui devait apaiser vient alimenter d’autres tensions. L’effet de groupe ne garantit pas la justesse du lien : il faut un cadre symbolique solide, capable de contenir sans surinterpréter.

Parler, oui, mais pas n’importe comment

La parole est précieuse, mais elle ne vaut que par le cadre qui l’accueille. Parler pour se relier, ce n’est pas forcément tout dire, ni dire vite. C’est pouvoir être entendu sans être assigné, écouté sans être figé. Les groupes de parole ne doivent pas devenir un impératif de transparence, ni une forme d’exposition affective obligatoire. Lorsqu’ils sont animés avec finesse, ils soutiennent le collectif dans ses mouvements souterrains. Mais lorsqu’ils sont mal posés, ils peuvent faire émerger des tensions que rien ne vient symboliser. Le mieux-être au travail passe aussi par une certaine pudeur.

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