Psychologie

Lire des récits d’enfance, ce n’est pas seulement se plonger dans l’univers des plus jeunes. Pour beaucoup d’adultes, ces lectures réactivent un rapport intime à leur propre passé. Une scène de jeu, une relation familiale décrite, un détail sensoriel peuvent suffire à faire ressurgir des pans oubliés de l’enfance. Pourquoi ces récits provoquent-ils de telles réminiscences ? Que révèle ce phénomène de notre relation inconsciente à notre histoire infantile ?

Une lecture propice à la régression affective

Le récit d’enfance agit comme un espace transitionnel propice à la régression affective. Le lecteur adulte y trouve un cadre imaginaire qui facilite le retour vers des états psychiques anciens. La temporalité particulière de ces récits, souvent non linéaire, et la place accordée aux perceptions et aux émotions primaires favorisent cette immersion. Ce mouvement n’est pas conscient : en suivant l’histoire d’un autre enfant, le lecteur réactive des strates de sa propre enfance restées en retrait.

La remobilisation de mémoires sensori-affectives

Ce qui est réactivé par ces lectures relève souvent de la mémoire sensorielle et affective. Un bruit, une odeur, une atmosphère évoquée dans le texte peuvent déclencher un afflux de souvenirs ou d’émotions. Ce ne sont pas forcément les grands événements de l’enfance qui remontent, mais des scènes anodines, des impressions fugaces. Le texte agit alors comme un médium permettant de reconnecter des parties du soi restées fragmentées ou non intégrées.

Exemple : un retour inattendu pour Hugo

Hugo, 29 ans, a été profondément troublé en lisant Vipère au poing d’Hervé Bazin. Une scène où le jeune héros se réfugie sous une table l’a bouleversé sans qu’il en comprenne d’abord la raison. En en parlant en thérapie, il a retrouvé un souvenir oublié : lui-même enfant, caché sous une table pour échapper à une dispute familiale. Le récit littéraire avait permis de réactiver cette mémoire, restée enfouie. Cette remobilisation a ensuite ouvert un travail d’élaboration sur les affects liés à cette période.

Une fonction de réparation psychique

Lire des récits d’enfance permet aussi d’opérer, par identification, un travail de réparation psychique. En revivant, par le truchement de la fiction, des expériences proches des siennes, le sujet peut réélaborer des affects anciens. Le texte offre un espace symbolique sécurisé où les émotions difficiles peuvent être rejouées et transformées. Ce processus silencieux explique le fort attachement que certains lecteurs développent envers ces récits, qui deviennent alors des supports de réappropriation de leur propre histoire.

Accueillir la lecture comme un outil de reconnexion

Il est précieux d’accueillir ces effets de réminiscence comme des opportunités de reconnexion à soi. Ce que le récit d’enfance réactive n’est pas un simple souvenir, mais un matériau psychique vivant. Le travail de lecture devient ainsi un espace d’élaboration et de transformation. En acceptant ce retour vers des zones sensibles de l’enfance, le lecteur adulte approfondit la connaissance de son monde intérieur et de son histoire affective, dans un dialogue fécond entre passé et présent.

Trouver un psy