Psychologie

Dans certains groupes ou relations, l’attention portée à la logistique devient envahissante. On parle d’horaires, de tâches, de plannings, mais rarement d’émotions, de ressentis, de positionnements subjectifs. Et si cette obsession pour l’organisation n’était pas simplement un goût du détail, mais une défense contre une implication affective plus profonde ?

Un faux-self organisé pour éviter l’authenticité

L’hyper-organisation, souvent valorisée dans les environnements collectifs, peut masquer une difficulté à entrer en lien véritable. Quand tout passe par la coordination, la gestion ou l’anticipation, il ne reste plus de place pour l’expression spontanée. Ce mode de fonctionnement permet de rester utile, présent, sans se risquer à être vulnérable ou dérangeant. La parole personnelle se dilue dans des points d’ordre pratiques ; le conflit se déplace sur les modalités plutôt que sur les contenus affectifs. La logistique devient un refuge impersonnel, une manière d’occuper la scène sans jamais y apparaître vraiment.

L’organisation comme barrière contre la rencontre

Derrière cette tendance à tout planifier, il y a parfois la peur de l’imprévu, mais surtout celle du contact émotionnel non maîtrisé. Organiser, c’est contrôler ; et contrôler, c’est empêcher que surgisse ce qui échappe. Cela protège de l’intimité, de la confrontation ou même de la parole singulière. Les personnes qui fuient ainsi dans la structure ont souvent connu, dans leur parcours, des environnements où l’expression d’eux-mêmes était risquée, moquée ou sans écho. Ils ont alors appris à être efficaces plutôt qu’affectifs, fonctionnels plutôt qu’existants.

L’exemple d’Étienne : productivité défensive

Étienne, 40 ans, coordinateur dans une grande association culturelle, est apprécié pour sa réactivité, sa rigueur et sa gestion fluide des projets. Mais dès qu’il s’agit d’aborder des questions de posture, de conflits internes ou d’implication émotionnelle, il se dérobe. Il préfère parler du planning ou de la logistique plutôt que de dire ce qu’il ressent ou pense vraiment. Adolescent, dans une famille marquée par les non-dits et les tensions sourdes, il a vite compris que tenir un rôle organisateur le protégeait du chaos relationnel. Aujourd’hui, il continue de mobiliser cette stratégie, même si elle l’isole.

Une efficacité qui empêche la relation

Cette posture logistique crée souvent une distance : l’autre n’est pas rencontré pour lui-même, mais intégré dans une mécanique à faire tourner. Le lien est remplacé par la coordination, et la parole affective par des mails de synthèse. À force d’interagir à travers l’outil ou la structure, le lien se vide de sa substance, jusqu’à rendre les relations fonctionnelles mais creuses. Ce mode d’être rassure, mais appauvrit ; il évite le trouble de la rencontre, mais empêche aussi l’émergence d’une parole propre, d’un engagement vivant.

Retrouver une parole située dans la structure

Il ne s’agit pas de rejeter l’organisation, mais de redonner une place à l’expression subjective dans les espaces partagés. L’efficacité ne doit pas étouffer l’humain. Ce travail suppose de pouvoir tolérer le désordre d’une parole authentique, la surprise d’une émotion qui déborde, ou le conflit qu’on ne peut pas planifier. Sortir de l’écran logistique, c’est accepter de se rendre visible, avec ses manques, ses désaccords et ses désirs. C’est oser apparaître là où l’on se contentait d’être utile.

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