Psychologie

Certaines personnes ne supportent pas les bavardages, les échanges informels, les discussions de couloir ou les pauses animées. Elles les jugent inutiles, envahissants, perturbants, voire infantilisants. Cette posture peut sembler issue d’un goût du calme ou d’un certain professionnalisme. Mais quand cet agacement devient systématique, il peut révéler un rapport plus complexe à la parole partagée, à la proximité et à l’intimité. Ce n’est pas tant le bruit qui dérange, que la scène affective qu’il crée — une scène dans laquelle le sujet ne sait pas comment se tenir, ni quelle place il peut occuper sans danger.

Un lien informel perçu comme flou et menaçant

Le bavardage, contrairement aux échanges formels, n’a pas de fonction explicite. Il crée un espace flottant, où les frontières entre le personnel et le professionnel s’estompent, où les émotions, les impressions et les affects circulent librement. Pour certaines personnes, cela représente un lieu d’ouverture. Pour d’autres, c’est un espace ambigu, insécurisant, où tout peut se jouer à demi-mot : l’exclusion, la moquerie, la complicité, le jugement. Ce climat relationnel instable fait ressurgir la crainte de ne pas savoir décoder, de dire trop ou trop peu, de ne pas exister à travers la bonne tonalité.

Exemple : Laurent, hostile au bruit relationnel

Laurent, 42 ans, travaille dans un service d’urbanisme. Sérieux, efficace, il fuit les temps collectifs informels. Dès que la machine à café devient trop animée, il se replie dans son bureau. Il se dit “allergique au bruit”, mais reconnaît en séance qu’il se sent “à côté” dans ces échanges. Plus jeune, il a grandi dans une famille où la parole circulait mal, où les émotions étaient gommées, et les échanges limités au factuel. Pour lui, toute parole légère est suspecte, potentiellement intrusive, voire moqueuse. Il préfère garder le silence, convaincu que dans ces moments-là, tout ce qu’il dira pourrait se retourner contre lui.

Ce que l’informel révèle du rapport à soi

La parole informelle ne se contente pas de transmettre : elle expose, elle relie, elle engage sans en avoir l’air. Refuser ces moments peut être une manière d’éviter l’engagement relationnel, d’échapper au regard de l’autre, à l’imprévisibilité de la résonance affective. Cela ne signifie pas une absence de désir de lien, mais une peur de l’intimité implicite que ces échanges supposent. Le sujet préfère se réfugier dans les cadres, les fonctions, les rôles clairement définis, où l’affect peut rester à distance. Ce n’est pas une indifférence, mais une protection contre une parole vécue comme potentiellement déstabilisante.

Réapprivoiser la parole relationnelle

Sortir de ce rejet ne passe pas par une exposition forcée, mais par une reconnaissance de ce que ces moments éveillent de vulnérable. Il ne s’agit pas de devenir sociable à tout prix, mais de comprendre que le bavardage n’est pas forcément une mise en danger. C’est parfois un lieu de respiration, de construction de lien, de reconnaissance indirecte. En s’autorisant à en dire un peu, sans se trahir, on peut commencer à exister dans ces espaces. Non pour plaire ou se fondre, mais pour occuper sa place avec souplesse, sans fuir ce que l’échange peut révéler d’humain.

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