Perdre son emploi en fin de carrière : comment faire face ?

Licenciement, rupture conventionnelle ou fin de contrat non renouvelée : perdre son emploi à l’approche de la retraite déclenche souvent une onde de choc plus profonde qu’à tout autre moment de la vie professionnelle. Car derrière l’arrêt d’une activité se cache parfois une mise à l’écart symbolique, un sentiment d’inutilité ou la crainte de ne plus jamais retrouver de place. Face à cette déflagration, comment ne pas sombrer dans le découragement ou l’amertume ?
Le choc d’un arrêt brutal
Il y a dans toute rupture une forme d’arrachement. Mais lorsqu’elle survient en fin de parcours, elle se colore d’une brutalité particulière, comme si elle venait dire que l’on n’a plus sa place dans le monde du travail. Le corps peut accuser le coup : sommeil perturbé, anxiété, douleurs diffuses. Psychiquement, un tel événement vient fissurer l’image de soi. Cette exclusion soudaine, même lorsqu’elle est annoncée de manière « bienveillante », est vécue comme un désaveu profond de l’expérience accumulée. À cela s’ajoute souvent un isolement silencieux, renforcé par la honte ou la peur de paraître inutile aux yeux des autres.
Quand la valeur personnelle vacille
Plus qu’un revenu ou une routine, l’emploi porte une fonction narcissique essentielle. Travailler, c’est participer au monde, se sentir exister dans le regard des autres. En être privé en fin de carrière, c’est parfois éprouver une chute de valeur symbolique. Les réactions peuvent être contrastées : certains se replient, d’autres surcompensent en suractivant des projets, souvent sans consistance. Une femme de 58 ans, technicienne depuis plus de trente ans, raconte avoir ressenti « une sorte d’effacement progressif », comme si tout ce qu’elle avait accompli jusque-là ne comptait plus. L’inconscient peut alors réactiver de vieilles peurs de rejet ou d’abandon, réveillant des blessures bien antérieures au monde du travail.
Revenir à soi pour rebondir
L’un des pièges fréquents est de se précipiter vers une réinsertion immédiate, sans prendre le temps de comprendre ce qui s’effondre. Or toute perte demande d’abord un travail de deuil. Il s’agit de reconnaître la douleur, sans la minimiser, ni se laisser engloutir par elle. Revenir à soi signifie aussi redéfinir ce qui fait sens au-delà du rôle professionnel. Cette transition, aussi inconfortable soit-elle, peut devenir l’occasion d’un réalignement. Des formes de présence sociale nouvelles peuvent émerger, dans le bénévolat, la transmission, ou des activités longtemps mises de côté. Ce n’est pas toujours une renaissance éclatante, mais un lent déplacement du regard porté sur soi-même.
L’exemple de Catherine, 59 ans
Licenciée d’un poste qu’elle occupait depuis 17 ans, Catherine a d’abord ressenti un vide abyssal. Très investie dans son métier d’acheteuse, elle voyait dans cette perte un échec personnel. Pendant plusieurs mois, elle a refusé toute aide, oscillant entre colère et sentiment d’injustice. C’est en entamant une thérapie qu’elle a pu mettre des mots sur la peur plus ancienne de ne pas compter, transmise par une mère très exigeante. Ce travail l’a aidée à reconsidérer sa valeur en dehors de ses performances. Aujourd’hui, elle anime des ateliers de couture dans une association, un espace où elle sent à nouveau qu’elle a quelque chose à offrir.
Une fin ou un basculement ?
Perdre son emploi en fin de carrière est douloureux, mais cela ne signe pas forcément la fin d’une utilité sociale ou d’une vitalité intérieure. Il s’agit souvent d’un moment charnière où se rejouent les blessures anciennes autant que les possibilités de réinvention. Cela demande du soutien, du temps et de la lucidité pour ne pas chercher à combler le vide trop vite. Certaines pertes, aussi violentes soient-elles, permettent parfois de renoncer à des identifications trop rigides et d’ouvrir une place plus libre, plus fidèle à ce que l’on devient.