Psychologie

Certains réagissent avec une nervosité disproportionnée face à la moindre modification de programme. Ce rejet de l’imprévu, souvent interprété comme un simple trait de caractère ou une préférence logistique, cache parfois des enjeux bien plus profonds. Derrière l’attachement au cadre peut se dissimuler une angoisse face à l’instabilité émotionnelle, et une défense bien rodée contre tout ce qui pourrait réactiver une surcharge affective mal digérée.

L’ordre apparent pour éviter le chaos intérieur

L’intolérance à l’imprévu n’est pas toujours un signe de rigidité psychique ; elle peut être une stratégie inconsciente pour contenir un monde interne perçu comme instable. Ce n’est pas l’événement en soi qui dérange, mais la résonance émotionnelle qu’il risque de déclencher. Une simple invitation de dernière minute ou une réunion déplacée peut ainsi éveiller un sentiment d’intrusion, comme si le sujet perdait la maîtrise de ses limites. En instaurant des routines précises, il tente de se protéger d’une agitation interne, souvent héritée d’une histoire marquée par des intrusions ou des carences de contenance affective.

L’imprévu comme menace narcissique

L’imprévu réveille parfois une peur archaïque : celle de ne pas exister en dehors du contrôle. Ne pas pouvoir anticiper, c’est risquer de ne pas être préparé, donc de faillir. Pour certaines personnalités, notamment celles ayant construit leur identité autour de la performance ou de la maîtrise, l’idée même d’être pris au dépourvu menace leur sentiment d’unité. Cette angoisse peut se manifester par de l’agacement, un retrait brutal ou même des conflits relationnels, autant de tentatives de rétablir une frontière entre soi et un monde perçu comme intrusif.

L’exemple de Thomas : une rigidité protectrice

Thomas, 38 ans, cadre dans une entreprise technologique, organise sa vie avec une précision chirurgicale. Chaque jour est millimétré, chaque tâche planifiée. Lorsqu’un ami lui propose une sortie imprévue ou qu’un collègue demande à modifier un horaire, il se braque, refuse, ou invente un prétexte. Derrière cette apparente fermeté se cache une hypersensibilité qu’il ne s’autorise pas à exprimer. L’imprévu n’est pas tant un problème de temps que de lien : il redoute la sidération émotionnelle qu’il a déjà connue enfant, face à une mère imprévisible et un père émotionnellement distant. Son besoin de cadre est devenu une digue contre une mémoire affective encore vive.

Une défense coûteuse dans les liens

Si cette organisation rigide rassure dans l’instant, elle peut devenir une entrave à la fluidité relationnelle. L’autre est perçu comme dangereux dès qu’il introduit du vivant, de l’inattendu. Refuser l’imprévu devient alors une manière de contrôler la qualité du lien, en le rendant prévisible, donc maîtrisable. Mais cette maîtrise coupe aussi de la spontanéité, de l’ajustement, de la surprise qui nourrit l’intimité. À force de filtrer les situations pour éviter l’inconfort émotionnel, ces individus finissent souvent par s’isoler, entre lassitude sociale et fatigue de devoir toujours contenir ce qui pourrait les déborder.

Revenir au lien plutôt qu’au contrôle

L’enjeu thérapeutique n’est donc pas de “devenir flexible” à tout prix, mais de retrouver une capacité à tolérer la surprise sans se sentir envahi. Cela suppose de revisiter les épisodes passés où le sujet n’a pas été soutenu face à l’inattendu, pour distinguer le présent du passé. Accepter l’imprévu, ce n’est pas renoncer au cadre, mais sortir de cette logique défensive où toute modification équivaut à une agression. C’est retrouver une sécurité interne qui autorise l’altérité, l’ouverture et la co-construction des liens.

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